Tabou est un film qui prend à rebours le spectateur. Il nous propose une contemplation, d'abord visuelle, proprement japonaise : sobriété des couleurs et des matières, rigueur esthétique des décors et des cadrages. Contemplation d'un certain Japon ensuite, au sein d'une milice de samouraïs qui cherche à faire régner l'ordre alors même que les passions troublent ses rangs. Contemplation du beau Sozaburo enfin, proposé à notre fascination autant qu'objet de celle de ses camarades.
Car Sozaburo est un objet, support de rumeurs et de fantasmes, perçu seulement à travers les regards portés sur lui par les autres personnages. Si l'on peut penser pouvoir, avec de la patience, parvenir à le saisir, le film nous rappelle régulièrement que l'on dépend entièrement de regards extérieurs et nous pousse, pour comprendre ce mystère, à être attentif à chaque élément qui pourrait l'éclairer.
Cette position forcée de voyeur crée une tension perpétuelle, qui pour les personnages ne peut s'apaiser que par la violence. Pour nous, elle ne peut s'apaiser, mais nous force à admettre la situation dans laquelle nous place le désir - qu'il s'agisse du désir d'un être, ou simplement d'une explication. C'est certainement ça, être un spectateur.