Take Shelter ("mettre à l'abri", "trouver refuge") est typiquement le genre de film qui vous trotte dans la tête longtemps après son visionnage. Et à juste titre, car c'est une véritable réussite.
Pourtant, l'histoire n'a rien d'extraordinaire : on suit une famille américaine lambda dont le père est pris de violents cauchemars. Persuadé qu'une grosse tempête se prépare, il va peu à peu sombrer dans la paranoïa et mettre sa vie personnelle en péril.
Malgré un déroulement relativement lent, on s'identifie assez vite à cette famille. Les acteurs nous y aide beaucoup, à l'image de Michael Shannon, quasiment sur tous les plans. Sa performance est remarquable et surprenante pour un mec habitué à squatter les seconds rôles.
Les doutes s'installent chez lui en même-temps qu'ils vont s'installer chez le spectateur. Jeff Nichols l'a bien compris et va jouer là-dessus durant tout le film. Est-il vraiment fou ? Voit-il juste ? Un certain malaise se met en place dans le seul but de nous troubler.
Take Shelter, résolument imprévisible, nous oblige à patienter alors que la psychose se fait de plus en plus oppressante. Le suspense, parfois insoutenable ("Open the door !"), est maintenu avec brio jusqu'à la scène finale somptueuse.
La mise en scène, impeccable, participe grandement à cette fascination pour le long métrage, tout comme la photographie, vraiment sublime. Les nuages d'oiseaux, le ciel en furie, cette pluie crasseuse : tous ces petits effets spéciaux, jamais surenchéris, rendent le film totalement envoûtant, dépaysant.
Même si Take Shelter est avant-tout un film fantastique, c'est surtout une occasion en or pour Jeff Nichols de dresser le portrait d'une Amérique singulière, rattrapée par la paranoïa d'une prochaine catastrophe naturelle, alors que les abris anti-atomiques/anti-tornades se construisent et se multiplient à une vitesse inimaginable (traumatisme post-11 septembre ?).
Si le film aime s'amuser à osciller entre réalité et illusion à travers les visions du personnage de Michael Shannon, on peut être sûr d'une seule chose : la peur et la psychose, elles, sont bien réelles.