Autant dire d'ores et déjà, qu'un an presque tout pile après avoir vu Her, le film qui me mit dans tout mes états, me voilà reparti pour un nouveau voyage bouleversant.
Take Shelter c'est tout d'abord, soyons pragmatiques, un film que je souhaitais vraiiiiiiiiiment voir depuis longtemps. Jessica Chastain. Jeff Nichols. Michael Shannon. Sur fond d'apocalypse. Le pied.
Mais bordel un tel bouleversement...
J'en attendais pas moins pour tout vous avouer.
Take Shelter c'est aussi l'un des plus beaux titres de films jamais choisi. Un détail, mais qui compte.
Take Shelter c'est le portrait d'un homme qui observe la nature. Dans une société américaine admirablement dépeinte, où la focalisation sur les denrées pécuniaires semble une obsession, notre héros lui, et saluons-le pour cela, prend le temps, fait une pause dans sa vie, dans son travail, pour regarder le ciel (magnifiques plans à l'appui), les oiseaux, les nuages...
Take Shelter c'est ensuite une plongée progressive dans la folie. Par un travail sonore abrutissant, on ressort sonné de ce voyage assourdissant où le bruit d'un réfrigérateur peut se faire aussi entêtant qu'une bourrasque soudaine de vent dans un arbre abondamment feuillé. La musique, toute en paysages lunaires, en instants féériques, pauses dans l'espace, et en acouphènes nous permet un embarquement immédiat dans la paranoïa. Shannon est brillant, ce n'est même plus la peine de le dire tant c'est devenu pour tous une évidence. A voir ce que d'autres ne voient pas, à entendre ce que d'autres n'entendent pas, à sentir ce que d'autres ne sentent pas, il se crée un personnage terriblement touchant. Mais ça c'est le point suivant.
Take Shelter c'est en effet le portrait d'un homme, seul contre tous. La détermination a maintenant un nom. Immergé dans son délire jusqu'au cou, Curtis Laforche garde la force (haha) de lutter. A coups d'obstination démentes, de lutte insatiable à contre courant, à "contre-opinion", le héros parvient au bout de son délire (y comprendre les deux sens du mot, tout autant médical que familier) et y embarque ceux qu'il aime.
Take Shelter c'est de plus une magnifique histoire d'amour. Surement l'une des plus belles jamais écrites. Mort au romantisme. Toute la beauté de cette réalité inexplicable est ici représentée en cette famille unie jusqu'à la mort, qui, entre crises et déchirements parvient à une confiance mutuelle de toute beauté, à l'image de la scène interminable dans l'abri. Visage candide, naturel et farouche d'une Jessica Chastain en état de grâce, combat d'un mari et père qui pousse jusqu'au bout sa tentative de faire le bien de prévenir ceux qu'il aime. Jusqu'à un "Ok" final qui, à l'aide d'une expression triviale, parvient à exprimer ce que beaucoup se perdraient à expliquer en des mots tourmentés et des détours inutiles. Tout est dit. L'amour à son état de grâce. La confiance dans ce qu'elle a de plus puissant. La force du oui, plus profond que tout. Tout y est.
Take Shelter est un avertissement. Une parabole écologique. Appelez ça comme vous le voulez. Tout autant que les rêves avertissent le héros, que ce héros tente d'avertir ses proches, le film nous avertit nous. D'une pluie orange en ouverture, à une pluie d'oiseaux en passant par la plainte lointaine et profondément remuante d'une sirène. On nous dit quelque chose. Ouvrons l'oeil.
Ouvrons plutôt notre cœur.
Take Shelter c'est enfin et surtout un bouleversement.
Un accomplissement.
Un fantasme rêvé de cinéma, onirique et percutant.
Et ce petit con qui tente par de multiples coups longuement et lourdement répétés de se barrer de ma cage thoracique.
Tenez bon petites côtes.
Tenez bon petits poumons.
Le voyage prend bientôt fin.