Ouvrier consciencieux, Curtis LaForche (Michael Shannon) creuse des puits, les pieds dans la glaise. Samantha, sa femme (Jessica Chastain), est couturière à domicile. Tous deux se consacrent à l’éducation de leur fille unique, sourde de naissance, ne ménageant pas leurs efforts afin de lui offrir une éducation normale. Un couple uni et heureux. Presque, Curtis dort mal. Il souffre de cauchemars, d’intensité croissante. Les somnifères échouent. Pis, les hallucinations empirent, ne se contentant plus de gâcher ses nuits, mais aussi ses journées. Perd-il la raison ?
La lumière d’Adam Stone, les plans fixes extérieurs, les longs silences évoquent les premiers travaux de Terrence Malick. La bande son de David Wingo est parfaite. Pour son second long métrage, Jeff Nichols, qui signe aussi le scénario, livre un « sans faute ».
Le jeu de Michael Shannon est fascinant de vérité. Aux troubles, succèdent anxiétés, puis bouffées délirantes et terreurs. Qui croira qu’il entend gronder au loin, qu’il voit les nuées s’accumuler, qu’il ressent l’approche de l’ouragan ? Le taiseux s’essaie à verbaliser ses peurs, sans succès. Il pourrait fuir, abdiquer et trouver refuge dans la folie, rejoignant sa mère schizophrène et recluse, depuis des lustres, dans son institution. Il va lutter. Aux obsessions, il répond par une idée fixe : se protéger, lui et les siens. Il bâtit un abri, le fameux shelter. Le glaiseux assume la réprobation sociale. Famille, voisins et copains se détournent du paria. Samantha est admirable. Inquiète et méfiante, elle décide de lui conserver sa confiance, sans pour autant abandonner sa fille. Seule, elle assumera toutes les charges. Heureux l’homme qui peut s’appuyer sur une telle épouse.
La fin est à la hauteur du film. Précipitez vous.