Je méprise ce film. Il aurait pu susciter l'enthousiasme pour les raisons suivantes:
- Son ambiance onirique, claustrophobe, voire magique
- Sa photographie vraiment magnifique
- Les différentes interprétations possibles, ce qui signifie que chacun y trouvera la sauce qu'il a envie de goûter
En ce qui concerne les deux premiers points, les objectifs sont certes réussis, même s'ils ne peuvent rivaliser avec The Thin Red Line au cinéma ou True Detective dans les séries. Mais au contraire de ces œuvres belles et authentiques, Take Shelter suinte le surfait. Je n'ai pas ressenti les obsessions folles, mais sincères, de Malick, mais uniquement un vouloir-faire terriblement agaçant. La forme est feinte, affectée, et de fait prétentieuse.
Quant à l'interprétation, voici la mienne: la schizophrénie de Curtis LaForche est bien réelle, et il perçoit des phénomènes qui n'existent pas. Mais les pires craintes, même quand elles sont non fondées, peuvent devenir réelles et nous rattraper. Par hasard, les angoisses de Curtis ont coïncidé avec le réel, et la coque protectrice de la rationalité dont nous nous parons peut se fissurer à tout moment. Cette interprétation ne vaut ni plus, ni moins que n'importe quelle autre car, comme mentionné, ce type de film vient justement combler les attentes et les lectures de chacun en ouvrant son champ des possibles. Mais que ce soit ça ou autre chose, je m'en tape.
Ni le fond, ni la forme ne m'ont convaincu, mais cela aurait pu quand même passer si ce n'était quelques détails qui rendent ce film méprisant. Je hais le racolage, et Nichols racole. Quel intérêt narratif à faire de la petite une sourde-muette, sinon que de faire pleurer dans les chaumières? Pourquoi cette pseudo-tension sur la date de l'opération et cette histoire de mutuelle? Qu'est-ce qu'on en a foutre des problèmes financiers de Curtis et de son licenciement dans le cadre de son délire, à part achalander quelques scènes? Le tout justement en prétendant ne pas verser dans le pathos, en filmant le tout avec retenue. Non mais parce que si il y a une couche de critique sociale envers la situation des classes moyennes américaines, ça en devient consternant. De toute façon, il y a soit du racolage, soit un hors-sujet total. Déprimant.