Taking Off
7.1
Taking Off

Film de Miloš Forman (1971)

Attention ! Petit bijou drôle et (profondément) humaniste.

Avant de quitter sa Tchécoslovaquie natale, Milos Forman a déjà un style, une patte inimitable: à travers "les amours d'une blonde" ou "au feu les pompiers" (j'ai pas vu "l'as de pique"), c'est bien une critique du système et du régime soviétique qui sous-tend l'ensemble, mais à travers une peinture gaie, simple, vivante, drôle, proche d'une jeunesse qui cherche (et trouve) des moyens de détourner le système.

Et lorsqu'il quitte son pays pour ne pas pouvoir y retourner de sitôt (les évènements de Prague passent par là), c'est encore à ce genre de cinéma qu'il veut s'atteler.
Mais Prague n'est pas le seul endroit où les choses changent radicalement sur cette planète en effervescence et ébullition de la fin des années 60. Oui, le monde se transforme à une vitesse prodigieuse.

Ainsi, le film qu'il veut réaliser sur la jeunesse hippie fin 67 début 68 va peu à peu se transformer et lui aussi évoluer. Aidé par l'omniprésent Jean-Claude Carrière (décidément partout celui-là !), les moutures se succèdent, et lorsque le tournage peut enfin commencer, il ne ressemble plus beaucoup au projet original.
Le mouvement hippie et libertaire est déjà en déclin, Milos vieillit (il va avoir 40 ans) et le sujet de départ ne l'intéresse plus tant que ça.
Mieux, il se rend compte que les hippies qu'il a côtoyé au Chelsea hotel new-yorkais des années où il fallait y être ne sont pas un sujet cinégénique. D'ailleurs, l'esprit joyeux de Milos ne colle pas au côté sérieux et pénétré du mouvement.

D'ou le coup de génie de traiter cette fin d'une époque à travers le prisme des parents (dont Milos se sent de plus en plus proche).
Des parents largués par un mouvement qui leur est radicalement étranger, d'autant que souvent, les bambins fuguent (question: ces ligues de parents d'enfants fugueurs ont-elles réellement existé ?).

Et le génie du film, passé la séquence d'"a la recherche de la nouvelle star" version 70 fort amusante d'ouverture (z'avez déjà vu Katty Bates chanter ? Vous connaissiez la chanson "fuck me first" ?), nous glissons progressivement de l'univers des ados à celui de leur parents. Parents qui, de terriblement largués et démissionnaires en début de film, vont nous devenir de plus en plus proches et touchants en fin de parcours.

Et surtout, surtout, c'est drôle.
Du hippie qui "fait" 290000 dollars par an se plaignant de payer des impôts qui financent ce contre quoi il se bat dans ses chansons "en ayant bien intégré la notion de contradiction", jusqu'aux géniteurs qui retrouvent une liberté débridée lorsqu'enfin dégagés de leur condition de parents (voir cette hilarante scène de strip-poker): bref, comme toujours dans les bons films, les apparences sont soit trompeuses soit évoluent terriblement en cours de route, et tout cela nous donne à réfléchir en riant.

Montage au cordeau, casting impeccable (quelles gueules !), acteurs magnifiques, dialogues et scénario fin et intelligent.
Un sans-faute.

(la suite, on la connait: vol au dessus d'un nid de coucou)
guyness
8
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le 3 mai 2011

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guyness

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