Avant de devenir une machine à blockbusters pseudo-polémiques mais creux comme des arguments d'éditorialistes de centre-droite, Oliver Stone a réalisé deux ou trois films intéressants, dont celui-ci, qui raconte l'ascension puis la chute brutale d'un présentateur de talk-show nocturne juif et texan, dont le gimmick consiste à raccrocher aux nez des gens qui l'appellent pour lui parler de leurs problèmes dont il n'a rien à foutre.
(Soyez généreux: faites un "dont", vous aussi; ça fera un bel enchaînement).
Pur produit de l'entertainment 'ricain, le talk-show est aujourd'hui répandu dans les radios et les télés du monde entier, au point qu'aucun réseau ne saurait s'en passer, comme si c'était un élément naturel voire vital. La télé-réalité et ses borborygmes proto-pubères en est la "digne" héritière.
Perso, je n'ai jamais compris l'intérêt de passer des heures à écouter des quidams exposer leurs soucis, surtout à des gens qui ne peuvent pas ou ne veulent pas les aider. Mais faut dire que je n'aime pas les médias. Ou pour être plus exact, qu'il y a une distance énorme incommensurable intergalactique infinie entre ce que pourraient être les médias et ce qu'ils sont malheureusement.
Talk-show le traduit fort bien, montrant, mesurant et pesant l'absolue absurdité, l'insondable stupidité d'un système technocratique et financier qui rend les humains cons à force de les traiter comme tels, tout en se donnant bonne conscience sous prétexte que ce serait l'inverse qui arriverait ("les gens sont cons parce qu'ils le méritent"). Nous qui avons la chance d'avoir TF1, nous savons ce que cela signifie.
Il est difficile de savoir si le personnage central de Barry Champlain (joué par le co-auteur du scénario Eric Bogosian, lui-même acteur de série-télé et scénariste) et inspiré du vrai Alan Berg (animateur assassiné en 1984 par des membres d'un groupe de suprémacistes blancs, The Order) est attachant mais casse-couilles ou s'il n'est qu'un enfoiré sans coeur qui jouit de rabaisser ses auditeurs. Une fois de plus, Stone joue en permanence sur le fil du rasoir, ménageant la chèvre et le chou, se réfugiant derrière la neutralité supposée de l'artiste pour.. on ne sait trop quel message.
Reste une interprétation sacrément hystérique (ou hystériquement sacrée) d'Eric Bogosian et quelques prouesses de mise en scène en huis-clos, dont un plan-séquence panoramique à 360° que n'aurait pas renié le Brian De Palma des années 80. Le discours "final" de Barry Champlain déplorant la bêtise humaine n'est pas sans évoquer le propos d'Idiocracy, film qu'il a peut-être inspiré, voire préfiguré.
A revoir dans la perspective de l'histoire d'une nation qui crève lentement de son racisme fondateur.