A la fois surréaliste et aberrant, bien que très beau visuellement parlant, le film n’en reste pas moins écoeurant lorsque l’on se rend compte de quoi sont capables certains oligarques.
Le film se déroule en Géorgie, on y apprend qu’un riche (et anonyme) homme d’affaire (il ne sera jamais cité dans le film) voue une passion démesurée pour les arbres. Il collectionne des arbres centenaires qu’il désenracine tout le long du littoral géorgien pour se confectionner son propre jardin d’Eden artificiel.
Les images sont d’une rare violence, on assiste bouche-bée aux dégâts colossaux qu’entraînent tous ces désenracinements. Ces arbres millénaires, haut de 15 à 20 mètres de haut qui se retrouvent au cœur d’un chantier improbable, nécessitant d’importer des camions dédiés aux transports (de type convois exceptionnels), donnant l’occasion de voir des images saisissantes comme celles se déroulant en pleine nuit, avec le transport d’un arbre posé sur 2 camions roulant côte à côte. Ces excavations sont tellement colossales que cela nécessite de bouleverser le paysage environnant avec des pelleteuses qui viennent grignoter des flans de collines, de montagnes voir même des zones littorales, dans le seul et unique but, assouvir le plaisir d’un milliardaire. Tellement majestueux par leurs grandeurs, les arbres sont ensuite transportés sur une barge à travers la mer Noire. Certains transports nécessitant même d’abattre d’autres arbres qui gêneraient leurs passages ou les câbles des pylônes électriques qui nécessitent d’être décrochés (car certains arbres peuvent mesurer jusqu’à 15 étages) ou de créer de nouvelles routes pour les acheminer.
Ce riche anonyme est bien connu en Géorgie puisqu’il s’agit de Bidzina Ivanichvili, un ancien premier ministre et richissime homme d’affaire qui ne se soucis guère de l’environnement, pourvue qu’il puisse assouvir sa passion farfelue et destructrice. La fin du film nous donne l’occasion de découvrir son jardin d’Eden, bien que magnifique, il donne aussi l’impression d’assister à un cimetière d’arbres centenaires.
Se soucis-t-il du désarroi qu’il cause auprès des habitants des villages qui voient arriver ces monstres d’acier pour leur enlever ce qui fait partie intégrante de leur vie de tous les jours ? bien évidemment que non. La réalisatrice géorgienne Salomé Jashi nous donne à voir un film d’une beauté indéniable (il faut voir cette scène ahurissante de l’arbre sur une barge, donnant l’impression de flotter sur la mer).
Taming the Garden (2021) ne laisse clairement pas indifférent, les images sont à la fois choquantes, déroutantes et remarquables. Comme le souligne son titre géorgien "მოთვინიერება", il y a une certaine forme de "douceur" et de poésie qui se dégage du film, en dehors des bruits de pelleteuses et autres perforeuses. Les dialogues se font rares, nous laissant assister en silence à la beauté destructrice du pouvoir d’un richissime excentrique.
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