Cheffe ou chef, le débat est lancé !

Sur le papier, le dernier film de Todd Field ne donne pas forcément envie : qui veut aller voir un faux biopic (personnage fictif) de 2h30 rempli de dialogues pointus et exigeants dans le milieu élitiste de la musique classique ?

La partition de Mahler est des plus ardues et la symphonie semble injouable. Pourtant, malheur à qui n’ira pas voir cet ovni impitoyable qui traite superbement et sans manichéisme du pouvoir et de ses dérives.

La mise en scène est sublime et rigoureuse, la palette de couleurs utilisée est très terne et accentue l’ambiance de plus en plus austère. La peinture sociale est aussi précise que détaillée. De prime abord, le tableau est impressionnant et son vernis brillant, sa lecture est labyrinthique, il faut patienter pour se frayer un chemin vers sa compréhension, autant avec les yeux qu’avec les oreilles. Le vernis fini par être gratté par petites touches puis violemment au point de révéler l’effondrement et la folle noirceur de la toile.

La prestation de Cate Blanchett est réellement exceptionnelle et sans failles, du calme absolu sur les plateaux de télévision aux tocs et à la rage extrême, elle excelle dans tous les registres !


Par définition un chef d'orchestre mène son monde par la baguette, cela ne signifie pas forcément que l’on peut se comporter tel un tyran. Lydia Tár s’est manifestement battue pour obtenir son poste, véritable trône patriarcal, mais comment est-elle parvenue à ce miracle ? On tient ici la note parfaite pourtant dissonante et irritante pour certains : accéder au pouvoir dans un milieu exclusivement masculin nécessite t’il de se comporter comme un homme pour y parvenir ?

Ce contre-pied est des plus culoté en cette période #metoo et il risque de mécontenter, en effet, Lydia est une femme, lesbienne qui plus est. Telle un homme, elle vampirise et utilise les femmes à sa portée de main… Ou de baguette !

Ce miroir pertinent met en exergue les processus utilisés par les hommes pour accéder aux plus hautes places. En effet, Lydia connait les rouages, les règles, les codes et sait trouver les moyens pour mieux les détourner. Tout est bon pour parvenir à ses fins et si elle véhicule une impressionnante image de rigueur et de sérieux, le revers de médailles laisse beaucoup de musiciennes et d’assistantes au fond du trou de la scène, loin derrière les coulisses.

La chute finale est vertigineuse, abrupte (traitée un peu trop rapidement) mais l’effet produit est magistral.

ATHMOS
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le 9 févr. 2023

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