TÁR
6.7
TÁR

Film de Todd Field (2022)

La prétention est un vilain défaut

Tout le programme de ce film pourrait se résumer en une phrase : attention, spectateur, tu vois là une Œuvre. Grandiloquence, Longueur, (pseudo-)Pensée critique. Les moyens sont ici au service de cette fin. Comme il y a en toute affectation un juste retour de bâton vers le naturel, les moyens se vengent, et tout sonne faux, quasiment d'entrée de jeu. Ainsi de l'interview du début de film, qui semble avoir été bricolée à partir de pages Wikipedia. On ne peut pas imaginer un parterre d'aficionados de la musique classique assister à une rencontre où une cheffe célébrissime débiterait de pareilles platitudes, ni que ledit parterre de gens surdiplômés se mette à rire aux éclats quand on lui raconte l'histoire de Lully-qui-s'est-planté-son-bâton-dans-le-pied (niveau initiation au solfège). Et non, ce ne sont pas que des détails pour snobs, c'est juste que l'effet de réel, qui est l'unique moteur durant de très, très longues scènes, pour fonctionner vraiment, doit être extrêmement travaillé, ce qui n'est pas du tout le cas ici. Seulement, comme la musique dite classique est une niche, ça passerait ? Sauf que non. Et je ne parle pas même du portrait ridiculement caricatural du chef d'orchestre, qui, non, n'est pas le boss de l'orchestre... Et non, un chef assistant et un assistant personnel, ce n'est pas le même job... Tous les aspects liés au fonctionnement de l'orchestre sont encore plus pénalisants dans leur manque de crédibilité car la maigre trame scénaristique participe de ces éléments qui sont tout simplement faux.

Par ailleurs, en faisant de Tár un personnage féminin qui se comporte comme un homme sans jamais pourtant faire les saloperies qu'un vrai salop d'homme aurait faites à sa place, ce qui fait qu'elle sera châtiée hors de toute proportion mais peut-être pas quand même, comprenne-qui-pourra, on ne dit plus rien. Qu'est-ce qu'on critique au juste ? L'abus de pouvoir ou la bien-pensance ? C'est lâche, c'est ventre mou. Le personnage ne fonctionne pas même d'un simple point de vue psychologique : on sait bien que les animaux à sang froid ne perdent pas les pédales comme ça... Mais le propos consistait-il vraiment à dire quelque chose, ou ne s'agirait-il pas plutôt d'une tentative de faire Œuvre à tout prix, en entraînant le spectateur dans le piège de sa propre complaisance envers l'Auctorialité feinte ? C'est pénible les gens qui se prennent au sérieux. En cela, le personnage, le réalisateur et le film partagent le même vilain défaut. Il nous reste, en tant que spectateurs, la liberté de ne pas l'adopter.

Glueklicher
4
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le 25 déc. 2024

Modifiée

le 25 déc. 2024

Critique lue 11 fois

Glueklicher

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