Avant, je savais faire des films. Mais ça... c'était avant. (oui, Martin Scorsese porte des lunettes
Un spoiler en fin de critique, ce n'est vraiment grave que pour ceux souhaitant voir le film libres de TOUTE information.
Difficile avec une telle référence, surtout aussi ancienne, mais sait-on jamais.
Avant que De Niro ne sombre dans les "Mon beau-père" et que Scorsese ne se fourvoie dans des choses comme Shutter Island, ils collaboraient autour de films intéressants.
Taxi Driver je savais que je le verrai un jour, précédé de son statut de film culte.
Je savais aussi que, vu mes premières impressions avec Scorsese, je ferais aussi bien d'écluser d'abord ses bouses récentes avant d'aller vers les vrais films.
Je soupçonnais également pas mal, sans en avoir la certitude, que je serais déçu.
C'est un peu le cas, mais pas tant.
Après Les Affranchis je ne sais pas trop si j'ai préféré celui-ci ou pas.
Sensiblement la même chose, et vraiment agréable.
Nonobstant une première partie légèrement relou, mais nécessaire, c'est sans doute l'un des exemples les plus talentueux qu'il m'ait été donné de voir de glissement vers la folie, sans le côté hôpital de Vol au-dessus d'un nid de coucous et sans la violence envahissante d'un Tarantino.
Travis est, quand on y pense, un mec banal.
Légèrement inapte émotionnellement, isolé, étant de toute façon peu porté sur les contacts humains, le personnage devrait d'ailleurs tristement parler à notre génération, tout autant qu'à l'époque où fut réalisé le film, sinon davantage.
En seulement deux heures, Scorsese parvient à la fois à dresser son portrait et à matérialiser sa lente descente aux enfers de façon patiente et réaliste.
On a la sensation que même les quelques longueurs servent ce propos.
Les séquences nocturnes font plaisir à l'œil et tressent un faux cocon protecteur autour du personnage principal et du spectateur, bercés d'un illusoire sentiment de détachement.
"Je vais où vous voulez, quand vous voulez" dit-il.
Pourtant, ce n'est pas un suicidaire. Il est peut-être insouciant, peut-être trop confiant. Ou il s'en tape.
Mais s'immisce le doute.
Ce nécessaire et naturel besoin de satisfaire à la norme, aux conventions sociales.
Devant son incapacité à s'y intégrer, Travis trouve ses propres réponses, des solutions un peu en marge.
La confrontation avec ses contemporains est rare, donc systématiquement brutale, à l'image de ce premier rendez-vous avec Betsy.
Cruel retour à la réalité, hors de sa vie nocturne qui le maintenait dans l'ignorance de ce décalage qu'il nourrit sans le savoir.
***SPOILER SPOILER***
Seul point d'achoppement avec ce que j'ai lu sur le film, peut-être, je n'ai pas trouvé la scène du déchaînement de violence final extraordinaire.
Pour moi c'est une continuité de la narration, et d'ailleurs le fait qu'elle ne constitue pas la vraie fin du film le prouve.
C'est presque un non-évènement, et paradoxalement je la trouve d'ailleurs très supportable, car prévisible, tant le travail en amont est bien fait.
Ça oui, c'est tout le talent d'un réalisateur qui maîtrise son art.
***FIN SPOILER***
Scorsese livre donc à mon sens une très bonne péloche.
Ce qui est, pour moi, à la fois la preuve indiscutable qu'il n'usurpe pas sa réputation de bon (ou très bon pour les fanboys) cinéaste, mais aussi qu'il l'a laissée derrière lui à un moment donné, quelque part entre 1996 et 2000 apparemment.
Il manque un petit quelque-chose pour conférer à Taxi Driver le statut de chef-d'œuvre incontestable, mais j'avoue très humblement ne pas savoir exactement de quoi il s'agit.