Où comment un taré intégral devient un héros en s'attaquant à pire que lui...


I'm God's lonely man

New-York la nuit, les réflexions intérieures de Travis Bickle, vétéran du Vietnam insomniaque devenu taxi nocturne dans les bas-fonds new-yorkais. L'observation de cette faune glauque et interlope le dégoute et le rend fou à petit feu. Cet homme seul, plongé dans une mélancolie infinie, perd pied tout en tentant de trouver une raison de vivre. Tendre à devenir un homme ordinaire sans jamais y parvenir. Après une déception sentimentale, il se met en tête de venir en aide à une jeune prostituée, qui si elle sympathise avec notre schizo, refuse toute assistance. Un double râteau qui finira le travail de démolition de la psyché de Travis. Certes déjà bien attaqué. Fameuse scène et réplique culte de la Palme d'or de mon année de naissance : You talkin' to me ? en démonstration.


Someday, a real rain will come and wash all this scum off the street

Vision d'une ville crasseuse, en perpétuel mouvement, d'une société décadente et perdue que la guerre pourtant lointaine a fracassé. Un des premiers regards portés sur les dégâts psychologiques subis par ceux qui rentrent alors à peine du Vietnam.

Taxi Driver me fût formellement interdit longtemps par la Mater Familias. Comme souvent, j'ai évidemment désobéi. Profitant qu'elle m'avait collé dans les pattes contraintes de mon frère qui partait s'amuser avec des voisins. De loin le plus jeune du haut de ma dizaine d'années au compteur, je lui proposais un deal : je materais un film parmi les nombreux possédés par les parents du copain chez qui nous nous rendions, ainsi il pourrait s'amuser avec ses potes sans que je sois au-milieu. Gagnant-gagnant.


Je chipais donc les copies de Taxi Driver et de Un Après-Midi de Chien avant d'aller m'installer au garage où se trouvait un canapé, un téléviseur et un magnétoscope... Oui un garage ! Je demeure toujours dubitatif sur le choix de ce lieu comme salle de visionnage. Ceci dit, cet endroit m'a permis nombre vues sur des pelloches interdites et possède donc ma reconnaissance éternelle en tant que terre sacrée de ma passion première.


Je choisis Bob De Niro plutôt qu'Al Pacino parce que j'avais lu pas longtemps avant un long article d'une des nombreuses revues dans lesquelles je passais une grosse part de mon argent de poche. Devant encore quémander une rallonge pour un Mad Movies régulièrement. Bon, là l'article provenait plus sùrement d'un truc plus généraliste mais j'étais enthousiaste à l'idée de regarder une Palme d'or (à l'époque, bien formé par l'école, je pensais naïvement que les récompenses allaient forcément aux meilleurs. Putain de syndrome de la déception PèreNoëlesque).


Un taxi jaune, de la fumée, des yeux flippés qui font gauche-droite derrière un volant, la pluie déformant les reflets des néons et les silhouettes inquiétantes,.. Travis Bickle pensait bien revenir de l'enfer mais le diable l'accompagne.


Malgré un manque de maturité certain pour appréhender tous les aspects de la psychologie du personnage, Travis Bickle m'a impressionné les rétines pour l'éternité. Ce film m'a plongé dans un spleen cinématographique inconnu jusqu'alors. Tant et si bien que j'ai renoncé au Lumet pour participer avec les grands au tournoi de ping-pong qui s'organisait. Les jours suivants, dans ma tête, beaucoup des réflexions de la voix-off de De Niro tournaient en boucle. Je compris alors le pourquoi de l'interdiction maternelle. Il ne s'agissait pas du final détonant et violent. Elle se doutait que j'avais déjà vu bien pire sur un écran. Sans doute en bravant son autorité d'ailleurs. Non, elle voulait m'éviter ce remue-méninges intra-crânien. Tant pis pour cette fois. Comme tout les films qui m'ont fortement marqué entre mes six et mes vingt piges, j'ai vu et revu Taxi Driver à l'envie, l'appréciant (et le comprenant) de plus en plus. J'ai longtemps cru qu'il pouvait être mon film favori, mais sur ce point SensCritique m'a mis fàce à mes contradictions. Et donc il pourrait l'être s'il n'y avait pas Terminator, Rambo, Les Dents de la Mer où encore Fight Club, Massacre à la Tronçonneuse, Les Affranchis, du même Scorsese et j'en passe tant et tant...


Who the fuck do you think you're talking to ?

Thriller psychologique noir et habité par une mise en scène nerveuse, qui adopte un faux-rythme contemplatif pour mieux faire monter la tension. Jusqu'à l'explosion finale. Prestation hallucinée hallucinante, Scorsese et De Niro à leurs very tops.

Chef-d'œuvre palmé doré.

Goloumledosfin
10

Créée

le 31 janv. 2023

Critique lue 205 fois

Goloumledosfin

Écrit par

Critique lue 205 fois

D'autres avis sur Taxi Driver

Taxi Driver
Kobayashhi
9

La prostituée et le Chauffeur de Taxi. La Scorsese

"All the animals come out at night - whores, skunk pussies, buggers, queens, fairies, dopers, junkies, sick, venal. Someday a real rain will come and wash all this scum off the streets. " C'est par...

le 15 oct. 2014

158 j'aime

3

Taxi Driver
DjeeVanCleef
10

Un Prophète.

On pourrait disserter des semaines sur les qualités de ce film, un pur chef-d’œuvre, peut être même le seul vrai joyau de Scorsese. Celui qui, sous mes yeux, dans mon cœur brillera pour des millions...

le 29 sept. 2013

136 j'aime

25

Taxi Driver
JimBo_Lebowski
10

Le Solitaire

Mon expérience avec Taxi Driver a commencée dans une salle de cinéma de quartier il y a 15 ans, tout jeune lycéen ouvert à l'œuvre des Kubrick, Tarantino, von Trier et autres P.T. Anderson, j’étais...

le 27 oct. 2015

133 j'aime

9

Du même critique

Massacre à la tronçonneuse
Goloumledosfin
10

Monument Toxique

Massacre à la tronçonneuse, chef-d'œuvre du film de genre, succès critique, pourtant maudit et interdit durant longtemps dans de nombreux pays, reste à ce jour l'un des films d'horreur les plus...

le 19 déc. 2019

3 j'aime

1

Moonrise Kingdom
Goloumledosfin
10

La ParenthèSe EnchanTeressE

Initié au cinéma de Wes Anderson par ma nana il y a une dizaine d'années, je n'en connaissais alors que La Vie Aquatique et pour tout avouer je suis passé à côté. Pourtant ce film a fort belle...

le 10 déc. 2020

2 j'aime

Predator 2
Goloumledosfin
7

Alien City

Je m'installe dans un des fauteuils elimés de la plus petite salle des trois que compte, à l'époque, le cinéma. Très peu de spectateurs, en me comptant, peut-être 8 ou 9. Le film n'étant à l'affiche...

le 27 juin 2020

1 j'aime