C'est quand même curieux : je suis à peu près sûr que si j'avais vu ce film à l'époque de sa sortie (1958), je l'aurais probablement trouvé aussi insipide que crétin, peut-être même insupportable. Aujourd'hui, ça m'a fait plaisir de le voir. Alors? Sans aller jusqu'à faire du relativisme une donnée fondamentale à prendre en compte systématiquement sur des cas comme celui-ci, il est vrai que cela invite à garder un regard prudent. Mais au fond, je suis peut-être en train de confondre relativisme et subjectivité? Peu importe. Dans ces deux réceptions (1958 et 2012), la distance est significative, et en soi, entre les deux, des pans de réalité encore très personnelles sont à décrypter. Par exemple, si j'ai été ravi de regarder le film, cela ne m'empêche pas du tout de reconnaitre la faiblesse de nombreux de ses éléments. Le film me parait plutôt mauvais dans l'ensemble. Mais qui a dit qu'un mauvais film n'avait pas de valeur? Pas moi en tout cas.

Commençons par ce qui fâche : le scénario est d'une affligeante médiocrité. Oh, on a sans doute fait pire depuis, cependant on est déjà proche des critères navetoïdes (que d'aucuns ont plus larges que les miens). Des gags infantiles, essentiellement physiques, un récit amoncelant les sketchs avec un manque flagrant de cohésion, un casting parfois aux abonnés absents et l'absence de véritable mise en scène, ce qui n'est pas à proprement parler le fort de Hunebelle, artisan qui s'efface toujours devant ses acteurs et c'est la raison pour laquelle j'apprécie volontiers sa filmographie. Mais ici, le creux résonne genre grosse caisse.

Cette histoire de voyage familial perturbé par l'intrusion d'un diamant volé et d'une bande de malfrats ridicules a toutes les peines du monde à tenir la route. Finalement toute repose sur les grimaces et le tempérament de Louis de Funès. Déjà... On sent dans sa calvitie naissante le front dégarni du futur expert en vitupérations pétaradantes, l'excité du bocal qui fera la jouissance de beaucoup. Mais il est encore un peu frais sur ce film-là. N'empêche... il est déjà celui qui retient l'attention et donne la vie, le dynamisme au film.

Chez les autres acteurs, Jacques Dynam est de la partie, mais son mini rôle ne permet pas d'en profiter. J'ai aimé retrouvé Guy Bertil, un comédien dont la voix zozotante et le physique d'improbable ado mal fini a quelque chose d'attendrissant et poétique, un Gaston Lagaffe non abouti. Raymond Bussières essaie d'exister aux côtés de Louis de Funès, mais a bien du mal le pauvre. Cet acteur a eu un temps un vrai succès. Il était une figure du cinéma populaire. Je me rends compte que je le connais peu, ce qui peut expliquer que je n'arrive pas bien à comprendre. M'enfin!

Le reste de la distribution est soit invisible, soit tout à fait mauvais. Véra Valmont s'est déguisée en Marilyn Monroe et de fait, présente une personnalité proche du néant. Transparente. Nous eussions préféré que cela soit son chemisier. Tanpiche! Le gras Max Révol a une voix, c'est indéniable, de stentor pigallien, intéressant mais son jeu, stérile et répétitif, finit par lasser. Alors? Ton plaisir, tu l'as trouvé où?

Ben outre De Funès, dans la distance que j'évoquais plus haut. Encore une fois, je prends un vrai plaisir à revoir un film si vieux qu'on y voit des franchouilles à la douane espagnole passer du tabac dans leurs chaussettes. Il y a toujours cet aspect documentaire, qui me caresse l'historiophilie : les vieux tacots, les caravanes avec pots de fleurs aux fenêtres, les vieux immeubles, les rues pavées, le téléphone du bistrot de quartier où l'on gueule : "M'sieur Léon, on vous d'mande!". Moui, à ce compte-là je pourrais apprécier n'importe quelle daube d'époque... Soit. Même si le film tape dans l'image d'Epinal ou dans le sens commun en baladant une famille française sur les routes espagnoles, cette réalité là s'impose à l'époque dans les milieux populaires, dans les classes moyennes ou la petite bourgeoisie, qui prend ses aises dans les congés payés. Ça fleure encore mai 36 bizarrement, ça sent surtout les 30 glorieuses! C'est la France des années 50 qui se peut se payer du bon temps à Grenade. Rien de très profond là-dedans, j'en conviens, mais 50 ans ont passé et le film reste un témoignage, que d'aucuns estimeront anecdotique (et peut-être n'auront-ils pas tort?) mais qui m'a paru aujourd'hui assez charmant. Je ne peux même pas invoqué l'attendrissement de la nostalgie, n'ayant pas connu cette époque. Reste que ces facéties m'ont amusé et c'est déjà un exploit auquel je ne m'attendais pas.
Alligator
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le 23 nov. 2012

Modifiée

le 9 juin 2013

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Alligator

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