Je me souviens avoir découvert ce western à la Dernière Séance, où M'sieu Eddy en disait du bien, et pourtant ce film est assez peu estimé, même ici sur SC, encore que sur SC, les films divertissants mal-aimés, j'ai l'habitude, et pour moi, M'sieu Eddy a plus de crédit.
A première vue, Douglas Sirk signant un western peut étonner, mais c'est oublier qu'avant ses grands mélodrames, il dut accepter nombre de films de commande en abordant tous les genres ; ce sera sa seule incursion dans le western, et honnêtement, elle est loin d'être minable, contrairement aux idées reçues. Il semble moins à l'aise dans les grands espaces que dans les affres de l'âme humaine ? ça reste à démontrer parce que moi j'y ai vu une série B de bonne facture. C'est en 1954, soit juste après Taza, fils de Cochise que Sirk se lance dans le cycle de ses grands mélodrames avec le Secret magnifique.
Maître incontesté d'un cinéma flamboyant où l'intériorité des personnages se trouve transcendée sur l'écran par le biais d'une mise en scène raffinée, Sirk laisse déjà deviner sa maîtrise future dans ce petit western où déjà il emploie Rock Hudson qui va devenir son acteur fétiche. Ce dernier est en dépit des critiques très convaincant dans ce rôle d'Indien, aidé par un fond de teint étudié, il a la carrure et le charisme d'un tel personnage.
Ce western ne manque donc pas d'intentions au niveau des idées généreuses, car à cette époque consacrer tout un film à un héros indien et aux Apaches, fait preuve d'un beau défi, les préjugés racistes des Américains étant encore très fréquents dans les westerns, malgré des films comme la Flèche brisée de Delmer Daves, et la Porte du diable d'Anthony Mann. C'est pourquoi on peut aisément rattacher ce film au courant des westerns pro-Indiens des années 50, et suprême clin d'oeil, Sirk a la chance que Jeff Chandler reprenne en guest star son rôle de Cochise (qu'il tenait avec magnificence dans la Flèche brisée en 1950), la filiation est donc officielle.
Avec talent et maîtrise, je trouve que Sirk s'en sort bien, malgré une relation guimauve entre Hudson et Barbara Rush, et surtout le propos qui peut sembler naïf par sa vision manichéenne hollywoodienne, ainsi que l'accomodement de la réalité historique (notamment le personnage de Geronimo qui n'est guère flatteur), mais il a su montrer quelques aspects de la vie des Apaches, et surtout poser la question de la cohabitation entre Indiens et Blancs. En effet, la paix doit-elle se faire pour les Apaches en étant à la botte des Blancs, en perdant leur identité et leurs coutumes ancestrales ? Cette image véhiculée rejoint celle qu'on a pu voir dans d'autres westerns de la même époque.
Par sa mise en scène appliquée, ses belles images captées au sein des paysages de l'Utah, ses figurants amérindiens (et non des Blancs maquillés, ce qui est rare en 1954), et son héros à visage humain, Douglas Sirk réussit au final un western classique très honorable qu'il faut réhabiliter.