Un grand nombre de créatures ont parsemé le cinéma français, mais le loup-garou reste une figure rare. On peut toutefois citer l'érotique La Bête (Walerian Borowczyk, 1975) ou la coproduction Le Loup-garou de Paris (Anthony Waller, 1997), sorte de suite / remake pourri jusqu'au trognon du film de John Landis (qui n'était déjà pas si folichon). C'est donc sur ce terrain un brin vierge que débarque le second long-métrage de Ludovic et Zoran Boukherma.
Comme souvent dans l'actuel cinéma français fantastico-horrifique, il y a une tendance à l'hybridation, Teddy n'étant pas un film fantastique total et il tend vers l'absurde avec des personnages qui le sont tout autant. Surtout que le film met en avant un village isolé où les rares occupations sont des hommages aux morts, le super loto ou un salon de massage. Rien de bien dingo à l'horizon, si ce n'est des loups qui rôdent autour des moutons pour des résultats carnassiers. C'est dans ce petit monde que vit Teddy (Anthony Bajon), un gamin paumé gérant sa famille comme il peut (l'oncle est pas clair, madame est en état végétatif), ses histoires de couple et ses envies d'ailleurs.
C'est là qu'arrive la morsure et les réalisateurs optent pour le hors-champ, ce qui peut être une bonne comme une mauvaise chose. D'un côté, on comprend l'intention, car le film ne coûte qu'un million d'euros (soit moins que La nuée de Just Philippot et Titane de Julia Ducournau) et ne peut pas se permettre toutes les folies possibles. De l'autre, la scène aurait mérité d'être un peu moins longue. Le film va donc jouer constamment au yoyo avec les limites du budget. Les réalisateurs avaient ainsi avoué au Point Pop (*) qu'ils avaient coupé pas mal de plans où Teddy est un loup-garou car ce n'était pas assez réaliste. Cela se ressent dans le final où on ne verra Teddy entièrement transformé qu'une seule fois dans un plan assez éloigné, les réalisateurs privilégiant des parties du corps. Quitte là aussi à ce que ça passe ou ça casse comme ce plan entièrement en images de synthèse d'un effet douteux.
Néanmoins, si tout n'est pas parfait, en revanche, la transformation progressive du héros en créature est vraiment intéressante avec un corps qui change et une attitude qui varie du tout au tout. Teddy a des repères qui vont disparaître au fil du film, au point d'arriver à une fin logique. Le film renvoie donc à des aspects habituels des films de lycanthropie avec une malédiction qui change radicalement son héros, des amours qui virent à des désillusions destructrices et une violence radicale. Si tout n'est pas montré encore une fois, les réalisateurs nous offrent une belle séance de tirage de langue et les cadavres ne manqueront pas. Le final est peut-être même plus angoissant sans partir dans le gore. Les cris, le noir quasiment total et le hors-champ font alors leur effet.
Teddy est un film qui commence de manière cocasse et va aller petit à petit vers l'horreur et la tragédie. Soit un dernier aspect typique du genre comme en attestent The Wolfman (George Waggner, 1941) et le remake de Joe Johnston (2010), Hurlements (Joe Dante, 1981) ou même Van Helsing (Stephen Sommers, 2004). Les Boukherma signent une véritable curiosité avec son lot de freaks et un côté improbable qui fonctionne, malgré des soucis divers. De quoi attendre avec intérêt L'année du requin, premier film de requins réalisés par des français depuis Jaws 2 (Jeannot Szwarc, 1978) !