Un film français qui se lance dans une tentative de faire du film de genre, on le sait c’est casse-gueule et rarement réussi. Alors circulez, y à rien à voir ou mazette ça en jette ? D’abord le film est court. 1h28 et ça c’est un excellent parti-pris. Au pire si t’aimes pas, t’es vite sorti. Au mieux tu trouves le temps trop court et ça te donne un goût de reviens-y.
Alors, qu’est-ce tu dis de Teddy ?
Ni excellent, ni totalement raté, le film souffre surtout d’une seconde moitié du métrage fragile dans laquelle le point de vue et l’intensité de la première partie se diluent. Et c’est fort dommage mais on va y revenir.
Arrêtons-nous déjà sur ce qui marche. La première partie est très enthousiasmante, les Frères Boukherma tissent un véritable univers fantastico-rural original, frais et décalé, peu vu dans nos contrées. Il y a un côté punk et irrévérencieux tout à fait délicieux. Ce mélange de Film à la Dardenne (des frères aussi, tiens) mâtiné de Breum de Marsault (pour le look de Teddy, pas pour les idées) avec une touche de Jean Rollin créait un vrai univers fantasque, onirique et paradoxalement très moderne. Bref séduisant et plein de promesses.
De plus, Anthony Bajon (qui joue Teddy) est excellent dans ce rôle d'écorché vif naïf, oscillant entre candeur et colère, rage contre le système et bouffées romantico-poétiques, jouant sans cesse sur la corde, entre délicatesse et balourdise. Mais quelle bonne idée et quel décalage d’en avoir fait un employé d’un institut de massage harcelé par sa patronne (Noémie Lvovsky) ! Et le film en fourmille de bonnes idées comme ça, ne serait-ce que les excellentes punchlines assénées par Teddy tout du long. La French touch à son apogée et une vraie vision d’auteur.
Ça ne s’arrête pas là, il convient de saluer les partis-pris de réalisation, le bon character design, les acteurs convaincants dans l’ensemble et le travail soigné de la lumière, certains plans sont somptueux. On sent l’effort mis sur la construction graphique de l’œuvre.
Alors que demande le peuple, me direz-vous ? Il se demande s’il n’aurait pas préféré qu’on reste dans le registre fantastico-cintré plutôt que de s’aventurer dans un fantastique terriblement classique dans sa seconde partie.
Garçon, y a un poil de loup dans ma soupe !
En fait, le film se plante dès qu’il essaie de rentrer dans les codes du genre au lieu de s’en distancier. On perd illico fraîcheur et spontanéité. Dommage que l'écriture n'ait pas cherché à nous emmener ailleurs avec une proposition plus novatrice car elle avait clairement les armes pour le faire. Mais force est de constater que la seconde moitié du film fait retomber le soufflé par sa linéarité. Tout est attendu voire déjà-vu si on est tant soit peu passionné de films de genre (hello « Carrie »). C’est terriblement sage - hormis quelques scènes gores un peu dégueu (si, si, il en faut) - Le métrage ne tient pas ses promesses d’irrévérences alors que l’état d’esprit du début laissait supposer un tournant beaucoup plus punk.
Néanmoins, on sent que c’est une question de dosage, les frères Boukherma sont à mon sens des réalisateurs à suivre de très près. Ils ont un côté Peter Jackson des débuts (« Bad Taste » ou « Brain Dead » en tête) qui laisse présager d'une bien belle carrière. Rendez-vous pris sur votre prochain métrage les frangins !
Pour résumer, « Teddy » est un film attachant qui vaut clairement le coup d’œil, on y sent les prémices d’un cinéma créatif et inventif, une volonté d’explorer l’ailleurs et de repousser les limites d’un cinéma français souvent sous carcan. Comme vous l’avez compris, il n’est pas exempt de défauts notamment dans sa seconde moitié mais il vaut la peine que vous lui donniez sa chance. Ses crocs se planteront peut-être plus profondément en vous que vous ne le croyez ;)