Avec son pitch à la "La vie est un long fleuve tranquille", Tel père Tel fils peut sembler être une sorte de bluette insipide délocalisée au Japon.
Pourtant, c'est une fable moderne et une réflexion plus subtile qu'il n'y parait sur les liens familiaux que nous sert Kore-Eda. Un échange de nouveaux-nés, donc, et voilà que six ans plus tard, deux familles se retrouvent détruites quand elles doivent prendre une douloureuse décision: garder l'enfant avec lequel elles ont partagées six ans ou privilégier les liens du sang. Avouons le, le film est clairement ancré dans sa culture, et est parfois un peu dépaysant r pour nous occidentaux quand le film s'attarde sur les habitudes typiquement japonaises des personnages (cerf-volant, encens à bruler devant l'autel...) mais garde une portée universelle puisqu'il s'agit là de thématiques plus humaines que culturelles.
Et puis surtout, c'est un film d'hommes, qui parle plus de relations père/fils difficiles qu'autre chose. En effet, le film est centré sur le personnage de Masaharu Fukuyama ( aussi chanteur célèbre au pays du soleil levant), père relativement autoritaire, sur de lui, et parfait cliché de bourreau de travail nippon. Pour ce dernier, une seule chose compte: la réussite, la rage de vaincre, valeurs que ne semble pas partager son jeune fils, qui semble plus tenir de sa mère. L'affaire de l'échange va être pour lui une véritable crise existentielle qui le poussera à enfin se remettre en question sur tous les plans, et à changer sa vision des liens familiaux. Lui qui est au début du film parfaitement antipathique et incapable de comprendre les sentiments des autres (il n'y a qu'à voir la façon dont il demande à l'autre famille de récupérer les deux enfants pour de l'argent...), va, en vivant enfin une véritable expérience humaines, se rendre compte de sa propre bêtise, et enfin, accomplissement ultime, s'excuser et reconnaitre ses torts.
En plus de cette quête de soi centrale assez philosophique, le film lorgne aussi du coté du constat social : Kore-Eda remarque l'opposition drastique entre la province "tranquille" et le Tokyo hyperactif du 21eme siècle ( on a d'une part une famille de petits commerçants presque fauchés et de l'autre un riche cadre citadin; d'une part l'avocat de province, de l'autre le grand avocat de Tokyo etc...), le mal-être et l'incompréhension des enfants (que Kore-Eda filme magnifiquement bien) face à un événement bouleversant et pour eux absurde, puisqu'ils n'ont pas les clés pour le décrypter, l'hyper-activité professionnelle des citadins rendant impossible la création de relations équilibrées entre le père et ses enfants. La critique, souvent implicite, est finalement assez subtile et a le mérite de toucher juste en dénonçant cet acharnement néfaste au travail typiquement japonais.
On pourrait bien reprocher au film de s'enfoncer dans les clichés (et il le fait en partie: modèle paternaliste pour les deux familles, le provincial est forcément un "plouc" au grand cœur...) mais Kore-Eda, grâce à une mise en scène et une manière de filmer intimiste et presque minimaliste (citons quand meme la scène d'explication finale, si simple mais si belle et chargée en émotions parfaitement rendues à l'écran) et un aspect "fable" rendant le tout assez poétique (ils sont forts pour rendre tout poétique, les japonais!), échappe sans problème à l'enlisement et nous offre un des plus beaux films de cette fin d'année. A voir, donc!