On nous avait montré un extrait du début de Témoin muet en année prépa d’école de cinéma, lorsqu’on étudiait des films de Brian De Palma ; et effectivement, cette intro fait très fortement penser à celle de Blow-out, avec sa mise en abyme du slasher, en vue subjective. Si ce n’est qu’ici, l’idée est beaucoup plus étirée, et la parodie a la lourdeur d’un Scary movie. L’actrice en fait des tonnes… et apparemment, le réalisateur du film dans le film est du même avis. Pourquoi ne pas avoir coupé court à ce calvaire, qui dure tout le générique ?
En tout cas, le pitch m’avait beaucoup intrigué : sur le tournage d’un film d’horreur Américain à Moscou, une maquilleuse FX muette se fait enfermer par mégarde dans le studio un soir, et y assiste à un meurtre.
Et suite à cette ouverture peu prometteuse, la qualité du long-métrage varie grandement.
La première phase, après le meurtre, fait preuve d’une réalisation autrement plus maîtrisée qu’au départ.
Le jeu du chat et de la souris entre les tueurs et la témoin est stressant, faisant un usage efficace et inventifs de l’espace et des décors. La synchronisation entre les acteurs est impressionnante, de sorte que l’héroïne semble toujours échapper de justesse au regard des criminels.
La mise en scène est belle, les cadres peuvent se montrer d’une construction complexe, il y a parfois un jeu d’ombres et de lumière ingénieux, et bien que la caméra soit très mouvante, ses déplacements sont d’une fluidité qui la rendent discrète, évoquant la prudence de l’héroïne justement.
Ajoutez à cela des bruitages qui aident à se mettre dans la peau du personnage, et une bonne BO orchestrale.
L’influence de Brian De Palma se retrouve également dans l’emploi d’une demi-bonnette, pour un plan qui réunit le tueur et la victime, mais à des distances différentes de la caméra.
Et puis il y a la seconde phase, à partir du moment où Billie, l’héroïne, prévient la police ; tout dégénère.
C’était une très bonne idée de profiter du mutisme du protagoniste pour l’empêcher de faire valoir son point de vue, ou à d’autres moments d’appeler à l’aide, ce à quoi s’ajoute la barrière de la langue. (c’est surprenant d’apprendre qu’au départ, le film devait se dérouler à Chicago)
Mais il a fallu que le scénariste en rajoute une couche, d’abord avec l’incompétence des flics, puis le comportement très idiot des personnages.
On se retrouve dans la foulée avec des situations grotesques et/ou clichés, des incohérences, un peu de nudité gratuite, des rebondissements saugrenus et une surenchère de twists qui rend notamment le final interminable.
Les quelques touches comiques au milieu de tout ça sont toujours malvenues (surtout avec ce personnage du réalisateur, irritant).
La réalisation reste efficace, et le stress est toujours un peu présent, mais je n’étais plus vraiment dans le film, la médiocrité du reste me causant de la frustration.
Il n’empêche que tout du long, l’actrice principale, Marina Zudina, est vraiment extraordinaire. Elle arrive à véhiculer des émotions si fortes sans lâcher un seul son ; on partage sa douleur quand elle est dans une situation inconfortable et prend sur elle pour ne pas faire de bruit, et au moment où elle assiste au meurtre, on ressent violemment tout son désarroi. Elle exprime tellement plus en étant privée de voix.
Je dirais que Témoin muet est quand même un film à voir, rien que pour sa première partie.