Le cinéma de Samuel Collardey, toujours à la limite du documentaire et de la fiction, est fortement tributaire de la qualité de ses acteurs.
Dans son avant-dernier film, Comme un lion, je trouvais que tout sonnait faux. Dans Tempête, c'est exactement le contraire qui se produit : l'acteur Dominique Leborne est exceptionnel et son prix d'interprétation à Venise est amplement mérité.
Mais avant d'aller plus loin, il faut décrire le dispositif du film : Dominique Leborne joue son propre rôle, ainsi que ses deux enfants. Tous les trois rejouent leur vie, en quelque sorte scénarisée. Et pour tout dire, il y a du lourd : conditions de vie précaire, divorce qui se passe mal, grossesse non voulue et interrompue pour raison thérapeutique, difficultés de communication en tout genre. On pourrait facilement verser soit dans une thérapie collective sans grand intérêt pour le spectateur, soit dans un auto-apitoiement exhibitioniste qui serait gênant à regarder, soit dans les deux.
Par miracle, le film évite ces deux écueils : il est parfaitement "regardable" si on ne connaît pas son principe. Sa réussite doit bien sûr au charisme exceptionnel du personnage principal, mais aussi à la mise en scène limpide et assurée de Collardey, et peut-être plus encore à son montage rigoureux, proche de la perfection. Il se dégage de certaines scènes une émotion intense (je pense au dialogue entre le père et la fille vers la fin par exemple) qui m'a rappellé la puissance émotionnelle brute de ... Cassavetes.
Au-delà de toutes ses qualités, Tempête est également intéressant par ce qu'il montre de la dure condition de pêcheur : peut-être le plus dur des métiers qu'on puisse aujourd'hui exercer.
Une franche réussite.