Même s'il n'a pas la grâce de son premier film, L'Apprenti, ou la rage souvent bouleversante de son deuxième long métrage, Comme un lion, le troisième opus de Samuel Collardey, Tempête, est un film densément humain, qui change définitivement le regard des humbles terriens sur les nobles métiers de la mer.


Après une ouverture récréative et presque trompeuse sur les chants et les danses dans un pub irlandais, à l'occasion d'une escale, la caméra de S. Collardey ne tarde pas à donner le ton en accompagnant d'abord de loin, fragile esquif sur la mer, puis de près, en une immersion qui vaut initiation, le bateau sur lequel est embarqué Dominique Leborne, marin de son état. Les baffles de la salle de cinéma hurlent alors des décibels dont ils ne sont pas coutumiers et les spectateurs doivent faire effort pour ne pas courber la tête sous les paquets de mer qui viennent s'abattre sur les marins pêcheurs, que ceux-ci se trouvent sur le pont, maniant les filets, ou dans la cale, préparant les poissons. On est médusé devant la violence de l'eau, une violence telle qu'elle en paraîtrait presque intentionnelle.


Séquence introductive qui à la fois donne son titre au film et dit tout de l'intrigue, puisque, de fait, le personnage principal, qui rejoue son propre rôle en une sorte de documentaire différé, va devoir affronter une zone de tempête ravageant son existence d'homme séparé de sa compagne et père de deux enfants.


On perçoit alors que tout l'enjeu du film ne réside pas seulement dans l'exposition de l'âpre métier de marin pêcheur (les dangers de la mer, la faible paye, les longues absences et l'éloignement de la terre ferme...), mais dans le questionnement : comment concilier cet engagement, déjà singulièrement exigeant, avec une vie d'homme et, plus complexe encore, de père ? Comment être là quand il le faut ? Comment assurer l'existence matérielle de ses enfants tout en étant suffisamment disponible pour les accompagner dans la zone de turbulences que l'adolescence les conduit également à traverser ? Comment trouver le temps de veiller à ce que la vie de père ne vire pas à une vie de moine...?


C'est à toutes ces questions, fondamentales, que nous ouvre ce nouveau très beau film de Collardey, défouissant, sous la singularité d'un magnifique interprète amateur, l'universalité des abîmes qui cernent le statut de père.

AnneSchneider
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le 29 mars 2016

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Anne Schneider

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