Ten Skies
7.5
Ten Skies

Documentaire de James Benning (2004)

Ce qui est formidable chez Benning c'est ce sentiment de liberté.
Rien n'est imposé, rien n'est défini, on est libre. On peut autant choisir de se perdre dans les plans qu'il nous donne à contempler, se laisser bercer par la poésie magique du réel, observer, voir ce que l'on ne prend plus forcément le temps de voir. Mais l'on peut aussi essayer de comprendre, chercher la signification et le choix des plans.
On pourrait presque penser que son travail se limite à la question du quoi filmer, au choix du plan fixe, à la mise en place d'une fenêtre ouverte sur notre monde.
Après il ne semble plus maître de ses images, il s'efface et se sont les éléments qui, en évoluant, en vivant leur propre vie qui nous racontent des choses. Des choses sur elles, des choses sur nous.

Ten skies est un film magique, apaisant, un peu intimidant. Un peu culpabilisant aussi, par sa manière d'utiliser le cinéma pour inviter à regarder se que l'on ne voit plus. Peut être car ici le regard est canalisé et droit, plus facile, plus accessible, on n'a pas à lever la tête. Benning n'est pas didactique et n'impose pas une vision, simplement il réinvite à regarder.
Dans la vision de ces 10 ciels, il y a l'idée d'un monde en mutation, en mouvement perpétuel, qui trouve sa poésie dans les déplacements aléatoires des éléments, des nuages, de la lumière.
Les 6 premiers ciels sont autant de variations, de tableaux animés, qui évoluent sans cesse, transforment le cadre, c'est une évasion.
Puis il y a le 7ème ciel, le choix n'y est pas pour rien. Dans ce plan là, au paysage naturel du ciel vient se superposer la fumée de ce que l'on imagine issue de la cheminée d'une usine.
Comme dans Ruhr, il y a le rapport de l'homme à son environnement qui refait surface ici. J'ai repensé au plan du graffiti dans lequel on avait une superposition de couches, de dessins, de mouvements. Ici la fumée c'est l'intervention humaine. Elle surgit dans le plan, dans un mouvement agité, et tente de s'imposer devant les nuages. L'homme veut faire sa place, veut remplir le cadre et tente d'imiter la nature en éclipsant le réel. Mais cette fumée n'a pas l'ampleur, la magnificence de ce qu'elle tente de soustraire. C'est un mouvement provoquant, tapageur mais éphémère.
Ce septième ciel c'est l'idée du paradis pour l'homme. L'idée que l'on peut atteindre la beauté et l'apaisement dans les cieux, que l'on veut toucher ces cieux. Mais cette fumée est détachée du reste et jamais elle ne pourra l'atteindre vraiment ni se fondre dans le plan. On verra toujours le décalage, la superposition, l'empreinte délébile. Inaccessible.
Dans les trois derniers plans, on contemple à nouveaux des ciels, un peu moins sereins que les 6 premiers toutefois. Plus fragmentés, plus sombres. En hors champs, par le son, l'homme tente d'attirer le regard et l'attention vers lui. Mais les ciels ne bronchent pas, les nuages continuent de suivre leur mouvement, continuent à vivre.
Teklow13
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le 13 juin 2012

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