Nouveau film évènement puisque sorti du cerveau alambiqué du père Nolan qui a le mérite d'offrir des œuvres originales et qui forcent à se triturer les méninges. Comme à l'accoutumé, c'est la manipulation du temps qui est au cœur du film et de façon innovante puisqu'on assiste à la présence simultanée d'éléments (objets, personnes, évènements physiques,...) se déroulant de façon linéaire mais également leur contrepartie inversée temporellement. Le concept n'est pas évident à se représenter, surtout lorsque le film ne se perd pas en explicitations et l'intègre immédiatement dans des scènes insaisissables mais hypnotiques. Et il faut bien une petite heure, voire plus, pour commencer à comprendre le mécanisme, sans pour autant réussir à l'anticiper. Car dans son déroulé millimétré, Nolan garde un style froid, méthodique mais passif pour le spectateur.
En effet, le charisme de John David Washington n'est pas immédiat, et son personnage n'est guère présenté, ni développé, servant juste à diriger l'histoire autour de ce concept. Il en est de même pour les autres personnages qui sont présents le temps d'être utiles à l'action. Elizabeth Debicki a davantage de matière et son visage charmant apporte un peu de légèreté dans cet engrenage ronflant. Car c'est à travers son montage et son design sonore que Nolan gère ses climax et fait palpiter le pouls du spectateur, à défaut de créer l'émotion. La bande-son de Ludwig Göransson offre la puissance et les leitmotiv crescendos nécessaires pour cela, tout en jouant également de mélodies et tempos à contre-temps pour coller à l’intrigue, à l'instar des compositions ralenties de Zimmer dans Inception.
Au final, c'est plutôt ce montage haletant et cette confusion du principe d'inversion temporelle qui perd le spectateur de prime abord. L'histoire, quant à elle, est plus simple et suit une successions de casses et scènes d'action époustouflantes. Il faut le dire, Nolan montre une scénographie brillante et souvent jouissive, atteignant une certaine virtuosité lors de cet affrontement militaire final où les lignes de temps s'entremêlent ; c'est bluffant à voir. Par ailleurs, cette pièce finale a de vraies allures de planet opera post-apocalyptique ; un régal visuel. Ce sont donc surtout ces séquences qui restent en tête, plutôt que l'intrigue sommaire qui peine à intéresser sur la première moitié, et devient plus curieuse quand Nolan dévoile que ces éléments passés sont le futur du film, retrouvant le feeling d'Interstellar, même si c'est surtout Memento qui vient en tête du fait de la construction. Derrière cette mise en scène originale et renversante, qui offre de purs moments de spectacle cinématographique finement orchestré, et au réalisme saisissant, on regrette que Nolan n'ait pas mis plus de cœur dans son œuvre pour qu’elle résonne avec le spectateur qui se contentera du revisionnage pour l'exercice de style.