Un film de Christopher Nolan est censé éblouir. Émouvoir. Être un tour de force virtuose. Il n’est pas censé ennuyer le spectateur, le perdre complètement et l’abandonner pour se complaire dans des délires scientifico-temporels.
Tenet est, pour moi, une grande déception. Pourtant, la scène d’ouverture laissait présager un film plein de suspense et d’action. Si la première heure est plutôt plaisante, le reste du film est volontairement abscons et indigeste. Difficile de ne pas décrocher. On sort de la séance avec un mal de crâne, un léger tournis, les oreilles bourdonnantes après avoir eu droit à une musique assourdissante pendant 2h30 (mon voisin au cinéma a mis des boules quies au bout de 5 minutes de film, excellente idée).
Le problème principal du film est son scénario. Nolan nous a habitués à des histoires complexes, jouant sur la temporalité. Mais Tenet va trop loin. Tout est trop rapide, mal expliqué et on se retrouve vite à ne plus rien comprendre. Il y a même une certaine prétention sous jacente là-dedans, comme si le réalisateur nous disait « vous ne comprenez pas ? vous êtes trop cons pour cela, tant pis pour vous. » Personnellement, j’aime les films compliqués, même ceux on ne comprend pas grand-chose (David Lynch en étant un parfait exemple), du moment que l’on ressent une certaine émotion, qu’on est emporté par l’oeuvre. Mais le cinéma de Nolan est différent : c’est un cinéma de divertissement, censé plaire au plus grand nombre. Exigeant, certes, compliqué parfois, oui, mais pas incompréhensible comme Tenet. Il ne devrait pas être nécessaire de voir un film 2 ou 3 fois pour l’apprécier et le comprendre véritablement.
Les personnages, habituellement si touchants et attachants dans son cinéma, sont ici dénués de toute épaisseur et sympathie. On les oublie sitôt la séance terminée. Le comble est atteint en la personne de Kenneth Branagh, acteur shakespearien qui a eu son heure de gloire. Il se retrouve affublé d’un accent russe absolument ridicule – il avait déjà fait des siennes avec un horrible accent belge dans « Le Crime de l’Orient Express ». Vous n’allez pas me faire croire qu’il n’y a pas d’acteurs russes disponibles sur cette terre pouvant incarner ce personnage ! Le « méchant » d’un film d’action est capital (pensez à Dark Knight ou Skyfall). Ici, toute sa dangerosité tombe à plat, tant il manque de crédibilité. Quelle erreur de casting.
Les personnages féminins sont inexistants, à part Katherine (Elizabeth Debicki), larmoyante au possible. On attend toujours que Nolan propose un personnage féminin fort et intéressant, plutôt qu’une victime des hommes. Quel stéréotype ambulant, que cette femme sous la coupe d’un méchant trafiquant d’armes russe.
La pléiade de comédiens ne suffit pas à susciter un quelconque intérêt, tant leurs dialogues oscillent entre des lapalissades de type « What happened happened », de grotesques menaces « You can’t negotiate with the tiger » ou de grandes considérations pseudo-scientifiques qui perdront à coup sûr le spectateur.
On ne peut nier l’ambition et l’originalité de Nolan. Il y a quelques belles scènes d’action. Quelques moments haletants. Des effets spéciaux impressionnants. Mais tout ceci est noyé dans une masse de scènes illisibles et dans le cocktail cliché du nucléaire/URSS/méchants russes/américains sauvant le monde. Il serait temps que le cinéma d’action américain propose autre chose.
Bref, Tenet est ennuyeux et l’émotion est cruellement absente. Même la scène finale ne provoque rien. On assiste, impuissant, à un déluge de moyens, d’effets spéciaux, de musiques, qui laissent totalement de marbre. Quel gâchis.
Espérons que c’est une erreur de parcours.