Relancer l’économie du cinéma, c’est clairement la mission que Tenet s’est vu confié il y a quelques mois déjà avant même d’avoir trouvé une date de sortie définitive. Faire revenir à lui tout seul le public au cinéma, par un réalisateur globalement capable de réunir cinéphiles et grand public ensemble vers les salles et y redonner goût pour celles-ci. C’est avec ce même genre de grandes ambitions que le réalisateur-scénariste a construit son film, par un concept qui devient le centre de l’intrigue, aussi troublant qu’inventif, et renouvelle complètement le genre du film d’action auquel on a été habitué depuis quelques années maintenant. Tenet mêle en effet toutes les temporalités au sein d’un film d’espionnage d’envergure internationale où le but serai de sauver le monde pour « le protagoniste », interprété par le charismatique John David Washington, outre le fait déjà, autant pour lui que pour nous, de comprendre ce qu’il se passe.
En effet, ce qui ressort bien évidemment du film est la grande complexité auquel celui-ci a voulu se faire caractéristique, comme toujours avec Nolan jusqu’à tomber dans le cliché pour certain, mais avec néanmoins un univers bien à lui qu’il a réussi à faire tenir. Certain arriveront sans doute à suivre le film tant bien que mal de bout en bout et on aura alors l’impression d’avoir compris le principal, mais de tout cela ressort qu’au final, on en tire que peu de chose, très peu d’émotion particulière ressentie, si ce n’est le soulagement d’avoir tenu jusqu’à la fin. Tenet force la participation du spectateur, fait comprendre qu’il n’a pas toujours ce qu’il veut et le pousse à s’impliquer au maximum intellectuellement, à endurer la totalité du film par presque de la souffrance mais a le mérite toutefois de se différencier de la perpétuelle demande d’explication auquel on est abreuvé par les films ou séries grands public.
Ainsi cette complexité semble ici bel et bien forcée et trop lourde pour en ressentir un vrai plaisir à la suivre. Le concept du film, bien que brillamment exploité visuellement, s’insère dans une histoire de conquête du monde assez banale, sans grande originalité pour les films du genre et où les personnages paraissent, encore une fois avec ce réalisateur, très froid, peu attachant et sans susciter de grands intérêts à se captiver pour eux. Ils ne semblent une fois de plus n’être là que pour l’avancée factuelle de l’histoire, des pions dans l’échiquier de l’histoire sans jamais émaner une conscience ou réflexion propre pour laquelle s’identifier. Notre esprit est plus stimulé par l’attention total qu’il doit porter plutôt que par l’intérêt réel pour ce qui se passe à l’image. Le film au final ne semble pas dire grand-chose, l’intrigue se clôt sur elle-même sans mettre aucune perspective entre ce monde fictif et aujourd’hui, sans profondeur si ce n’est les zones d’ombres de l’histoire pour seul continuité à notre esprit.
Toutefois en tant que film d’action, Tenet reste une grande réussite dans ce domaine, le concept étant très visuel, la dernière œuvre de Christopher Nolan enchaîne les prouesses techniques pour donner un ensemble qui ne fait qu’éblouir par la justesse de l’orchestration de ce que l’on voit. Bien que la compréhension soit difficile, le film donne envie de rentrer dans son univers, de comprendre son fonctionnement par la réelle beauté du spectaculaire que le réalisateur met en scène. La direction artistique donne une vraie fluidité, un vrai corps à l’histoire qui ne demande qu’à exploser dans tous les sens, ce qui est d’autant plus frustrant dans les multitudes de dialogues de la première partie qui ne se caractérise que par sa lourdeur. Bien que le film ne semble être parfait dans sa structure, il en réside un réel plaisir à passer du temps en salle pour lui, peut-être pas pour voir le chef-d’œuvre tant attendu mais déjà un beau film d’action à l’univers singulier dont on a l’impression de n’avoir jamais rien vu de tel, et c’est déjà très bien.