Tenue de Soirée commence à peu près comme tous les Blier : des inconnus dans une situation instable ou critique se rencontrent par hasard et se parlent en toute transparence ; de cette relation nouvelle naissent des situations folles. Typiquement Bliesque, on retrouve dans ce film toutes les caractéristiques du cinéma de l’auteur des Valseuses : des dialogues en acier, de beaux cadres jouant notamment sur les miroirs (Trop Belle pour Toi, scène d’intro de Beau-Père) sous-entendant une certaine dualité (notamment pour figurer le choix entre homo et hétérosexualité, ou l’ambiguïté du personnage de Depardieu), un triangle amoureux (Préparez vos mouchoirs, La Femme de mon Pote, Les Valseuses) dans lequel aucun n’est aimé en retour par l’être aimé.
Une des premières choses étonnantes lorsqu’on aborde le film est l’apparition de Michel Blanc au casting, qui délivre ici une prestation qui le met vraiment en valeur.
Si continuer à jouer la comédie ça veut dire toujours jouer la même chose, avec cette espèce d'impression continue de faire toujours le même personnage, toujours les mêmes situations sous prétexte qu'elles ont marché une fois, ça m'amuse pas, j'ai pas fait ce métier pour ça.
Michel Blanc
Blanc a osé, et il est vraiment époustouflant ; il est parvenu à rendre son personnage crédible, fragile et surtout à le faire devenir femme d’une manière authentique et touchante sans toucher au burlesque. Il ressemble d’ailleurs à une espèce de mélange entre les personnages de Bouchitey et Dewaere dans La Meilleure Façon de Marcher, film avec lequel Tenue de Soirée contient pas mal de similitudes, rien que par son propos. Le rôle de Blanc était sans doute écrit pour Dewaere à l’origine, et ça aurait collé avec le personnage torturé qu’il devint vers la fin de sa vie, dans ses films (Beau-Père, Série Noire) comme dans sa vie personnelle. C’est finalement assez miraculeux qu’un autre acteur ait réussi à interpréter aussi bien ce rôle difficile.
C'est un film sur la fragilité, c'est une façon de s'adresser aux femmes : de voir un homme qui tout d'un coup fait preuve d'une fragilité féminine et qui l'assume.
Bertrand Blier
Tenue de Soirée fait preuve d’une liberté absolue, pour reprendre les termes de Miou-Miou. Si les images ne sont pas du tout choquantes comparées aux premiers films de Blier, les dialogues sont encore relativement osés et le sujet assez difficile à traiter pour un film de 1986. Cependant, Blier n’a pas eu pour volonté de choquer avec ce film, et on voit bien qu’on est dans une comédie avec de très nets airs de drame.
A l’image de Calmos, son aîné de 10 ans, Tenue de Soirée est un film qui évolue, si bien que le paysage final n’a plus de rapport avec la situation de départ. C’est un de ces films au déroulement imprévisible, et ce film étant très court (il dure 1h20 environ), on se retrouve avec un rythme étrange : un début qui prend le temps de se mettre en place, et une partie finale qui abuse des ellipses. Heureusement, grâce à des dialogues croustillants, à un casting ayant déjà fait ses preuves et à une telle liberté de création, Tenue de Soirée nous transporte dans un univers toujours plus délirant et inaccoutumé, si représentatif du cinéma de Blier.