Fort du succès du premier volet, et après s’être fait les armes sur une autre franchise bien guerrière (Aliens, le retour) et un projet plus personnel sans rien renier de sa mégalomanie (Abyss), James Cameron donne une suite qui lui donne les moyens de ses ambitions. A revoir à la suite les deux opus, il apparait très clairement que T2 est une expansion jouissive d’un brouillon dans lequel le visionnaire se sentait à l’étroit. Le nombre incalculable d’échos au film de 1984 sonne ainsi autant comme des clins d’œil désireux de tremper une mythologie que des variations sur un canevas qui va prendre désormais des proportions épiques. Dès le premier plan sur les camions, et dans les apparitions des Terminator, l’univers est familier : la nuit saturée de machines, les mauvaises rencontres pour mieux mesurer la force démesurée des cyborgs, alors que les humains inconscients s’amusent avec une technologie (les jeux d’arcade, le piratage de la carte bancaire…) sur le point de les anéantir.
Le récit est donc à peine plus élaboré que le précédent : les enjeux sont connus, le futur identique (pour une séquence d’anticipation plus développée et spectaculaire, bien entendu), à la différence qu’on multiplie par deux les situations en jouant de deux améliorations : létale pour le T1000, superbe invention du métal liquide rendue possible par l’avènement des effets numériques, et humaine pour son ainé, avec un résultat plus discutable, oscillant entre l’humour et quelques lourdeurs qui frôlent la mièvrerie, conduisant le blockbuster vers une nouvelle ère du divertissement familial.
Une importante évolution se situe aussi sur le rôle de Sarah Connor, qui après la choucroute traquée du premier opus, devient l’archétype encore aujourd’hui inégalé de la warrior badass. Paranoïaque, culturiste et incarcérée, adepte des armes et des actions radicales, la mère louve attend patiemment sa revanche et, une fois la bride abattue, fait clairement office de troisième machine à tuer. La violence noire des débuts fait ainsi place à une action plus visuelle et ostentatoire, sans se départir d’une atmosphère oppressante alimentée par la voix off désabusée et l’éducation paramilitaire d’un gamin voué à marquer l’Histoire.
Sur ce volet, le blockbuster porte à merveille son patronyme : Terminator 2 fonctionne par gros segments qui se savourent sur la durée, et jouent de toutes les démesures. On reste, en dépit de l’arrivée de la CGI, dans un terreau analogique des plus savoureux, qui alterne des traques (le superbe trio mobylette/Harley/semi-remorque dans la L.A. River, puis la voiture poursuivie par l’hélicoptère) et les lieux clos dont on va exploiter chaque espace, dans la lignée du premier Die Hard sorti quelques années plus tôt. 3 récits alternés dans l’asile permettent ainsi un véritable récit enchâssé pour une dilatation des plus virtuoses, avant l’atomisation des unités (la maison de Dyson, puis tout le siège de sa société) avant de faire converger les cyborgs vers l’antichambre de leur enfer, sorte d’Islande hyperbolique où cohabitent la lave et l’hydrogène liquide. On oublie assez aisément, au fil de ces morceaux de bravoure, les quelques lourdeurs d’écriture qui assurent le liant, tout en prenant comme il se doit l’humour malicieux d’une héroïsation très infantile dans laquelle Schwarzenegger excelle.
30 ans après, la patine vintage sied particulièrement à une telle œuvre, sachant à quel point ce type de performance souffre du passage du temps. Et lorsque le Terminator prononce son légendaire I’ll be back, on sait désormais que ce sera certes maintes fois le cas, mais plus jamais avec autant de panache.