Ce jour, j’ai pu découvrir un documentaire d’auteur, fort et engagé. Un noir et blanc logique mais permettant de transmettre l’image cruelle et crûe que veut Buñuel, des violons amplifiant l’empathie, une narration commentant un désastre humain. Voici Terre sans Pain. Il s’agit de dénoncer les conditions de vie dans lesquelles vivent les Hurdes, population mineure et oubliée d’Espagne, vivant dans des contrées reculées et coupées de la « civilisation » où il fait bon vivre.
On sent l'urgence de ce film, ce qui explique sûrement la lourdeur des propos et l'exagération de la narration. Pour sauver la dignité et la santé d'une population, n'est-il pas nécessaire parfois d'accepter une telle amplification ?
Avec leur accord, passage obligé dans la préparation documentaire et qu'il est important de rappeler, Luis Buñuel mets en scène les Hurdes dans une subjectivement fidèle reproduction de leur quotidien. Je dis « subjectivement fidèle » car attention à ne pas se tromper, malgré le manque d’avertissement c’est ici par son point de vue que le réalisateur nous raconte cette lourde vérité, par la façon dont il la reçoit et veut nous la faire recevoir. Nous ne sommes en aucun cas dans la démarche journalistique cherchant à s’approcher au mieux de la vérité objective, si cette dernière existe. Qu’on puisse lui reprocher son manque d’objectivité et son extrémisme de pensée n’est pas à confondre avec ses méthodes cinématographiques pour défendre et dépeindre une population ayant touché son cœur et ses convictions.
À la suite de la lecture de la thèse de Maurice Legendre sur les Hurdes (Las Hurdes : étude de géographie humaine, 1927), il nous livre ici ce qu’on pourrait nommer « carnet de voyage » ou « lettre ouverte ».
Plus profondément et pour remettre dans le contexte, L. Buñuel se trouve en Espagne dans une période (les années trente) de remise en question du système, de grandes turbulences sociales et politiques. C’est ainsi qu’il a rejoint le parti communiste du pays en 1931. Il livre donc ici un combat contre l’institution gouvernementale. Il remet profondément en question le fonctionnement politique, éthique, social et économique de l’Espagne sous sa seconde république. Le film sera d’ailleurs interdit dans le pays de 1933 à 1935.