Paru en 1933, Terre sans pain marque la fin de la période surréaliste de Luis Bunuel et le début de sa période réaliste, ou en tout cas celle se voulant l'être. En effet, c'est sous la forme du documentaire que l'espagnol décide de traiter des Hurdes, un des territoires les plus pauvres de l'Europe des années 1930. Mais plusieurs choses gênent dans ce film qui semble avoir toutes les meilleurs intentions du monde. En effet, entre le panneau d'introduction et les premières séquences, apparaît un léger malaise, comme si on avait changé de film. Ces première séquences nous montre dans un ton digne d'une exposition coloniale, les mœurs que le narrateur traite, sans aucun problème, de « barbare » avant de juger leur pratique de leur religion comme proche du paganisme avec une condescendance manifeste. Si ce ton condescendant disparaît peu à peu – on découvre ensuite que cela servait à nous montrer les "méchants" du village « riche » exploitant les pauvres malheureux des Hurdes –, c'est pour montrer d'autres failles de ce documentaire.
Ainsi, le réalisateur accumules les scènes chocs (avec une musique d'ambiance adéquat, digne d'une grande tragédie lyrique...) pour sensibiliser son spectateur ; à tel point qu'il s'y perd lui-même et qu'on n'arrive difficilement à discerner le fil conducteur de la narration. Mais là où Bunuel nous perd, c'est surtout en accumulant des scènes sans grand intérêt et, surtout, truquées - de manière évidente (la chèvre qui tombe accidentellement mais filmée du point de départ de sa chute par une caméra...). Ici, il semble clair que le documentaire n'en est plus un et que l'on peut mettre en cause tout le reste du propos.
Ce film laisse donc un goût amer. Surtout, qu'il présente des informations très intéressantes et pertinentes tel que le développement et la lutte contre le paludisme dans cette région (alors qu'on pourrait penser cette maladie éradiquée en europe occidentale à cette époque) ou les raisons de la pauvreté de l'agriculture des Hurdes. Ces informations justifient le sujet de son œuvre, toutefois on ne peut juger un documentaire sur son sujet mais sur le traitement qu'il en fait. De ce point de vue ce film laisse une certaine amertume et montre le manichéïsme dont peut faire preuve l'auteur et la naïveté de ces ambitions politiques.