Premier film boudé par un public quelque peu lassé de ses expérimentations, Opéra reste le dernier vrai bon film de Dario Argento, celui où l’on retrouve indubitablement la patte artistique, recherchée et travaillée (avec peut-être Stendhal Syndrome, bien que ce dernier soit maladroit et foncièrement raté). Aigri par son éviction soudaine du projet "Rigoletto", où il devait monter lui-même une nouvelle adaptation de l'opéra de Giuseppe Verdi, Argento se penche dès lors sur un giallo des plus classiques où un serial killer élimine tous ceux qui s'approchent d'un peu trop près d'une nouvelle cantatrice tout en forçant celle-ci à regarder les meurtres à travers un stratagème vicieux au possible.
Un thriller dans le fond bas de gamme, incroyablement prévisible, qui n’exploite malheureusement pas assez le décor du titre, mais offre au spectateur des meurtres particulièrement sanglants et surtout des prouesses visuelles typiquement Argentesques telles que le premier bullet time de l’histoire à travers un judas ou encore cet essaim de corbeaux vengeurs qui tournoient en vue subjective au-dessus d’un public en panique totale, vue subjective par ailleurs utilisée avec bonne escient tout au long du métrage, l’Italien poussant ici les potards à leur maximum pour une immersion plus effrayante encore.
À l’époque déconcertant, notamment sur la toute fin du film en Suisse, sorti à une période hélas peu propice pour le réalisateur, distribué en France directement en vidéo dans une version allégée de plusieurs minutes (dont toute une mini-sous-intrigue avec une enfant fan de Betty) et resté longtemps inédit en DVD, Opéra reste pourtant une œuvre visuellement épatante, presque sublime, dernier vestige d’une époque filmographique généreuse pour Argento avant son passage aux États-Unis et une fin de carrière d’un autre acabit.