Le sujet de la proie aveugle n’est pas entièrement nouveau puisqu’il a déjà été traité dans, notamment, Seule dans la nuit quelques années plus tôt. Le parti-pris de ce film écrit par Brian Clemens (connu pour ses scénarios de la dernière époque de Chapeau Melon et bottes de cuir et pour l’écriture de la série Les Professionnels) est pourtant totalement différent et novateur pour l’époque. Si Richard Fleischer est derrière la caméra, le projet est britannique. On retrouve donc cette atmosphère si particulière du cinéma anglais, notamment quand il joue la carte de l’angoisse. Exit le monde urbain, exit le monde nocturne, ici la terreur évoquée se joue en plein jour dans la campagne automnale anglaise. Un choix payant qui permet de placer le spectateur dans une situation particulière. Alors qu’on joue habituellement sur la peur en ne montrant pas ce qui peut être effrayant, Richard Fleischer montre, au contraire, aux spectateurs tout ce que son personnage principal ne peut pas voir. Conçues en plusieurs temps, les révélations faites aux spectateurs le conduisent à vouloir protéger l’héroïne.
Si le fait n’a, bien entendu, plus rien d’effrayant aujourd’hui, le suspense est remarquablement mené. Alors qu’on aurait pu craindre que le récit s’épuiserait rapidement, la réalisation fait intelligemment avancer l’intrigue, apportant son lot de réponses de façon tout à fait progressive. Si on peut penser à Hitchcock, on retrouve aussi certaines ambiances des Hammer et, surtout, le résultat annonce bien d’autres cinémas. On pense aux films de « slasher » et aux « giallo » avec un goût prononcé pour les détails et les fétiches, en premier lieu les bottes du tueur auquel ce dernier se retrouve la plupart du temps limité. La traque de la proie telle qu’on la retrouvera dans les « slasher » est ici évidente. A priori facile, elle parviendra cependant, à plusieurs reprises, à être tirée des griffes du tueur par diverses péripéties. Dans le rôle de l’aveugle aussi fragile que forte tête, Mia Farrow est parfaite. Couverte de boue, blessée, pétrifiée, elle donne à voir un personnage totalement vulnérable et donc terriblement attachant.
Le film est réussi de bout en bout et son final ne déçoit pas. Certes, le script ne marque pas par sa densité mais force est de reconnaître que l’ensemble est habilement conduit. Étrangement, il ne s’agit pas d’un des films les plus connus de son réalisateur. La sortie récente en DVD devrait cependant aider à le rendre plus visible et donc plus estimé.