Un film catastrophe (tourné dans les années 70) avec une affaire de poseur de bombes sur un paquebot au beau milieu de l’Atlantique. J’en rêvais de ce film, qui de loin m’évoquait L’aventure du Poséidon, de Ronald Neame ou Rollercoaster, de Jerry Goldstone, deux de mes films-doudou. D’autant qu’à l’instar du premier cité, là aussi le casting en impose : Omar Sharif, Ian Holm, Shirley Knight, Anthony Hopkins mais surtout Richard Harris (que j’adore depuis gamin, grâce à Cassandra crossing ou Orca) et David Hemmings (Blow Up, évidemment).
Juggernaut (titre original, qui n’est autre que le nom d’emprunt choisit par le terroriste), le film de Richard Lester ne brille pas forcément par sa solidité scénaristique, puisqu’il s’accomplit de façon très mécanique, méthodique et parfois un peu prévisible, mais bien dans sa propension à vouloir insuffler de la crédibilité au sein du thriller, à injecter du réel dans la fiction. Si on a tant le sentiment de nous trouver sur ce bateau, c’est en grande partie parce que le film est majoritairement tourné en mer. Et même si ce n’est pas entièrement le cas, à l’image de l’arrivée parachutée de l’équipe de déminage en pleine tempête, c’est tellement bien fait, rythmé, monté, que ça fonctionne, on y croit – Judicieuse alternance de plans larges et plans serrés, qu’on retrouve dans un schéma plus exigu et clos lors des longues scènes de déminage minutieux.
Et ça se joue aussi au niveau de la figuration, du mouvement, de la vie qui se crée dans le cadre, qui va parfois au-delà du récit lui-même. Il se passe tout le temps plein de choses, sans que ce soit forcément utile scénaristiquement parlant. Ça me parle beaucoup, ça. On ressent l’héritage du free cinéma anglais, il me semble, tant le film baigne dans le néo-réalisme, parfois à la limite du faux reportage, ainsi que dans la critique sociale : La prolétaires oubliés en bas, le gaspillage bourgeois en haut. Tout en racontant et notamment par son dernier tiers (avec ses rebondissements et son duel à distance) l’Angleterre en crise des années 70. Tout en ayant la particularité de s’aligner sur un pitch de Série B. C’est sa grande originalité. A la fois proche du film catastrophe typique. Et à la fois complètement à rebours tant il est anti-spectaculaire en permanence.