Aimez-vous, dans un film, ne pas vous sentir maître de la situation ? C'est clairement ce que recherche Amenábar dans Tesis : un sentiment de malaise, de doute, de ne pas savoir d'où la menace peut provenir. Par son statut de film d'enquête, je le considérerai cependant plus comme un thriller usant de codes horrifiques que comme un film d'épouvante.
Baser un film sur les snuff movies, c'est vraiment efficace : la mise en abîme que suscite ce synopsis rapproche la réalité du personnage de notre propre réalité, en tout cas c'est l'impression que ça m'a fait (en plus il y avait quelques bruits bizarres dans la maison pendant mon visionnage, bonjour le sentiment d'insécurité...). Le film est d'ailleurs d'autant plus angoissant qu'il est réaliste, tant dans son propos que dans les réactions des personnages. On pourrait d'ailleurs lire dans certains personnages une critique du voyeurisme, mais je pense que cet aspect est trop effacé pour être véritablement probant.
Tesis use de nombreux codes, voire clichés horrifiques pour installer son ambiance, mais il le fait avec brio. Par exemple, on se retrouve à plusieurs reprises dans le noir total, mais ça donne lieu à des scènes très intenses, je pense notamment à la scène de couloir. Le film abuse également des retournements de situation, qui ne font qu'accroître les sentiments de doute et d'insécurité.
On a également des course-poursuites avec un piano fou en fond sonore, ainsi que le personnage mystérieux qui passe du poursuivit au poursuivant et qui a pour habitude d'apparaître par surprise dans un reflet de miroir. Ce personnage est brillamment interprété par Eduardo Noriega, qui a du plaire à Amenábar puisque celui-ci sera la tête d'affiche de son second film : Ouvre les Yeux. Bien que ce rôle soit moins pervers, il livrera également une interprétation notable.
Vous l'aurez compris, bien qu'il use de clichés, le dosage et l'utilisation de ceux-ci ne nuisent ni à la qualité ni à la crédibilité du film. On retrouve même quelques scènes franchement magnifiques, comme la scène où l'on se contente d'entendre le snuff movie (rien n'est pire que ce que l'on imagine...), ou encore cette autre scène au début qui me fait pas mal penser au contraste sonore de l'intro de Funny Games qui sortira l'année suivante.
Je trouve brillante la scène dans laquelle Fele Martinez s'approche d'Ana Torrent, chacun écoutant sa musique dans des écouteurs. Ce qui semble être du Bach se confronte ardument à du hard rock, et plus l'acteur s'approche, plus il semble happer la jeune fille dans un monde dont elle ne maîtrisera rien ; par ailleurs, c'est bien la musique de Bach qui disparaît en fondu.
Bien qu'il s'agisse de son premier film, Tesis laisse présager une carrière importante pour Amenábar, et permet d'entrevoir ce que sera l'angoisse que nous ressentirons cinq ans plus tard avec son très réussi Les Autres.