Adaptation d’un roman de Thomas Hardy, Tess de Roman Polanski met en vedette Nastassja Kinski dans le rôle de Tess, une fille innocente de la campagne qui est exploitée et abusée, puis rejetée par différentes familles de la noblesse anglaise. Le film se déroule à la fin du XIXe siècle et oppose clairement deux clans, les paysans pauvres et les nobles riches.
Tess avait beaucoup à offrir, un récit à la Jane Austen et un réalisateur à qui l'on doit d'innombrables chefs-d'œuvre tels Répulsion, Le Bal des Vampires, Rosemary’s Baby, Chinatown et Le Locataire. Cependant, Tess est un film qui n’est pas tout à fait à la hauteur de mes espérances (et des promesses sur le papier) et je ne le considère pas comme l’un des chefs-d’œuvre du réalisateur franco polonais.
Tess est un mélodrame qui suit tous les codes du genre et qui propose une restitution historique soignée, témoignant d'une envie de bien faire, mais le film est trop long (presque 3h00) pour ce qu'il veut raconter. Certaines scènes sont dispensables et certains plans s'éternisent trop à la fin d'un dialogue ou pour fixer un coin du paysage (ou du décor intérieur). C'est comme si Roman Polanski voulait "singer" le style Kubrick sur Barry Lyndon, mais sans en avoir le talent. Et alors que certaines scènes auraient mérité d'être coupées ou certains plans d'être raccourcis, le film se permet malgré tout de faire des ellipses scénaristiques ...
Par exemple, après le viol, Tess quitte la famille de nobles qui l'a accueilli et on la retrouve la seconde d'après dans un champ au travail, allaitant un bébé ... son bébé. Aucune mention de son accouchement et on ne la voit jamais enceinte avec le ventre rond. En fait, à la seconde qui sépare les deux séquences, il a dû se dérouler au moins deux ou trois ans. Or, aucune information n'ait donné au spectateur sur les évènements qui se sont produits dans ce laps de temps.
D’autre part, Tess est un film qui possèdent de nombreuses qualités, surtout d'un point de vue formel. Tout d'abord, sur un plan visuel, il est magnifique avec de grands paysages, des décors intérieurs et des costumes fourmillant de détails, qui nous font croire sans mal que nous sommes bien dans l'Angleterre rurale de la fin du XIXe siècle ... alors qu'en réalité, le film a été tourné en France. La musique de Philippe Sarde est également très belle, avec des envolées résolument obsédantes, mais sachant aussi se faire discrète quand il le faut, pour appuyer l'émotion de l'image. Le scénario quant à lui est riche, avec son lot de pathos nécessaires et de moments à fortes émotions (parfois joyeuses, souvent dévastatrices). Le final avec Stonehenge en toile de fond, est tout simplement saisissant.
Les personnages ne sont pas aussi complexes et ambigus qu'on l'aurait souhaité, mais sont toujours intéressants et suscitent tous de l'empathie. Nastassja Kinski (aka la fille de Klaus) a des moments où elle est un peu plate dans son jeu, semblant presque être sans vie, mais dans l’ensemble, c’est une performance très sensible. Peter Firth est très bon lui aussi dans le rôle du gentil et beau blond Angel Clare, mais c'est Leigh Lawson qui vole la vedette à tout le monde dans le rôle du méchant et brun moustachu Alec D'Urberville. Mais vous devinez, pourquoi tout ça me pose problème, l'opposition entre le jeune, beau et blond, avec le plus âgé, moustachu et brun, est quand même bien caricatural comme il faut. Aprés je comprends les intentions de Roman Polanski, il ne voulait pas d'ambiguïté à ce sujet, on identifie tout de suite qui est le gentil et qui est le méchant dans cette histoire.
Beau à regarder, pas seulement les paysages, mais aussi la direction artistique ... mais trop long et quelque peu lourd. L’hommage du réalisateur à sa défunte épouse Sharon Tate à la fin du générique d’ouverture, avec un simple "To Sharon", est assez émouvant. C'est elle qui avait donné le roman de Thomas Hardy à Roman Polanski pour qu'il le lise, avec l'idée en tête qu'il en fasse un film avec elle dans le rôle de Tess.
Tess n’est pas Barry Lyndon, il n’est pas aussi riche (ni sur le fond, ni sur la forme) et est trop théâtral à mon goût. Même s'il contient certains moments d'émotion d'une grande justesse, trop souvent il tombe dans le mélodramatique trop appuyé. De nombreux détails témoignent du niveau de tragédie que le film a attribué à Tess et absolument rien ne lui est épargnée ...
Par exemple, elle perd une lettre qu'elle a méticuleusement écrite avant son mariage avec Angel, ce qui aura des conséquences dramatiques pour elle. Autre exemple, elle prie sous la pluie suite à la perte de son fils, se croyant être la protégée de Dieu, alors qu'en réalité elle est maudite.
Au final, Tess est un film bourré de bonnes intentions, mais qui à mes yeux tombe un peu à plat. Le film plaira certainement aux fans de Natassaja Kinski et aux "complétistes" de la filmographie de Roman Polanski. Ce n'est pas un film exceptionnel, mais qui vaut la peine d'être vu au moins une fois (6.5/10).