Body to body
Après être passé par la case major avec Hiruko the Goblin, le cinéaste Shinya Tsukamoto revient à ses premières amours avec un film indépendant tourné en 16 mm qui aborde une nouvelle fois sa...
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le 11 juin 2023
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Après être passé par la case major avec Hiruko the Goblin, le cinéaste Shinya Tsukamoto revient à ses premières amours avec un film indépendant tourné en 16 mm qui aborde une nouvelle fois sa viscérale haine envers l'urbanisme et son intérêt pour le fétichisme et le SM. Si Tetsuo II se veut être une sorte de faux remake du premier Tetsuo réalisé en 1989, il reste avant tout l'occasion pour son réalisateur d'approfondir une thématique obsessionnelle.
Tomoo, un salary man à la vie familiale bien tranquille, voit son fils enlevé par de mystérieux ravisseurs qui relâchent finalement l'enfant. Par simple jeu ou pour de plus obscures raisons, les kidnappeurs récidivent et Tomoo tue accidentellement son garçonnet en essayant de le sauver. Face à sa propre culpabilité, il se transforme en une terrifiante et destructrice machine de métal...
Refusant catégoriquement d'être catalogué comme un cinéaste underground, Tsukamoto livre une sorte de version grand public de l’œuvre qui l'a fait connaître. Une B.O nettement moins agressive, toujours signée par Chu Ishikawa, rythme cette fois un script plus explicite adapté en couleur. Si la couleur bleu symbolise la ville de Tokyo, le rouge incarne les mutations fantasmatiques provoquées par la conscience du protagoniste, le tout étant naturellement liée à la couleur noire évoquant quant à elle le sadomasochisme. Un amas de couleurs primaires mixées à l'obscurité la plus totale pour définir un monde violent et déshumanisé où la destruction suprême reste la seule issue de survie. Un paradoxe qui ramène incontestablement Tsukamoto à sa propre enfance malheureuse de par un fort sentiment de différence face aux autres enfants de son âge. Ce thème du mal-être infantile, déjà abordé par le cinéaste japonais dans The Adventures od Denchu Kozo en 1987, ressurgit ici en réintroduisant le personnage né avec un poteau dans le dos. En illustrant cette difformité aussi surréaliste qu'extrême, additionné aux sentiments de culpabilité d'être soi, Tetsuo II ne relate finalement rien d'autre que la relation entre l'homme et la technologie inspirée par la propre aversion de Tsukamoto envers la ville de Tokyo. Un sentiment récurent que le cinéaste illustrera de diverses manières dans ses films suivants comme Tokyo Fist ou encore Bullet Ballet. À l'instar du culte du corps que Tsukamoto aborde ici frontalement, à la manière de l'imagerie EBM prônée par des artistes musicaux tels que Front 242, Die Krupps ou encore Nitzer Ebb à la fin des années 1980.
Confectionné par une équipe très réduite, dont certains techniciens de la Tōhō qui avaient adoré travailler avec Tsukamoto sur le tournage d'Hiruko the Goblin, et utilisant toujours la technique artisanale du stop motion, Tetsuo II reste une vision passionnante, pertinente et complètement dingue d'un monde imaginaire pas tant éloigné du notre, mise en scène par un cinéaste visionnaire et sacrément doué.
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le 11 juin 2023
Modifiée
le 22 nov. 2024
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