Frances (Sandy Dennis) est une jeune femme (30 ans environ) vivant seule dans un vaste appartement de Vancouver. Elle rentre chez elle un jour d’hiver pour recevoir quelques personnes. De ses fenêtres, elle observe un jeune homme qui reste sur un banc.

Quand ses invités sont partis, Frances constate que le jeune homme est toujours à la même place et qu’il a de plus en plus froid. Elle descend et l’appelle, puis lui propose de monter pour qu’il se sèche et se réchauffe. De fil en aiguille, elle le nourrit et lui propose un bain chaud et, comme il pleut toujours, de dormir dans la chambre d’amis.

Le jeune homme (Michael Burns) se laisse faire. Frances pose quelques questions et, comme le jeune homme reste muet, elle parle un peu d’elle pour éviter la gêne d’un face à face silencieux. Elle pourrait considérer qu’elle en a fait assez. Frances n’est donc pas la simple bourgeoise éprouvant un sentiment de culpabilité en voyant plus mal loti qu’elle. Derrière son visage assez fermé (cheveux tirés en arrière, front dégarni, un peu à la manière de Tippi Hedren dans « Marnie ») on sent une attitude générale face à la vie. Si elle n’était que méfiante, elle n’aurait jamais proposé au jeune homme de venir chez elle. D’ailleurs, dès qu’il se sent mieux et qu’il commence à s’agiter, elle lui fait comprendre qu’elle souhaite qu’il s’intéresse à elle. Alors, par moments, son visage s’illumine.

On l’aura compris, Frances voit dans cette situation la possibilité d’avoir un homme à domicile plus ou moins à sa disposition. Mais pourquoi s’y prendre ainsi alors qu’elle est encore jeune, pas plus moche qu’une autre et qu’elle a des moyens d’existence confortables (voir son intérieur) ? Son train de vie est également marqué par le fait qu’elle emploie deux domestiques. Quant au jeune homme, il n’est pas sourd puisqu’il réagit immédiatement quand Frances arrête le disque des danses hongroises de Brahms. Ne rien dire semble une attitude. Quel jeu joue-t-il ?
Si la situation se réduisait à la séquestration par une jeune bourgeoise manipulatrice, on aurait déjà un film intéressant, en inversant le classique rapport de domination homme/femme. Mais le jeune homme fait comprendre à Frances qu’il peut s’en aller quand et comment il le voudra. L’histoire est donc un peu plus compliquée.

Pour sa seconde réalisation au cinéma, son premier film vraiment personnel après « Countdown », Altman montre qu’il sait s’y prendre pour installer une sensation diffuse de malaise auprès du spectateur. Ainsi, il joue régulièrement sur la distance focale de la caméra, zoomant en arrière et en avant, faisant donc varier la profondeur de champ. Pour le spectateur, cela donne souvent des zones floues assez larges. De plus, le réalisateur utilise souvent des effets de reflets ou bien des plans ou la caméra vise à travers une surface plus ou moins déformante. Le spectateur n’a pas toujours le temps de relever tous ces effets, mais l’oeil enregistre des impressions. Ce qui domine évidemment, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Le spectateur réalise progressivement que les choses ne sont simples ni du côté de Frances ni du côté de celui qu’elle héberge. L’entourage de l’un comme de l’autre est assez particulier.

Altman montre un véritable savoir-faire qu’il met au service d’une œuvre adaptée d’un roman. Il établit une ambiance étonnante renforcée par une bande-son de qualité. Les deux acteurs principaux sont à leur aise. Je ne qualifierai pas pour autant ce film de chef d’œuvre. Altman dépeint la confrontation de deux milieux et de deux personnalités et il maintient l’attention du spectateur en révélant progressivement les éléments importants. Le film est bien fait mais pas non plus inoubliable. L’éditeur du DVD précise qu’il n’a jamais été édité en France auparavant. Une curiosité donc, par le futur réalisateur de « M.A.S.H. »
Electron
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le 21 nov. 2013

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