Abel Ferrara passe le film de vampire à la moulinette de ses obsessions avec The Addiction, qui traite le mythe comme aucun autre ne l'a fait avant lui. Il l'inscrit dans un chaos urbain putrescent et morbide (le Seven de Fincher sort la même année...) où la seule porte vers le Salut réside dans l'acceptation totale d'un Mal ontologique, qui résiderait à l'état dormant en n'importe quel être humain. Le cinéaste prend un plaisir cynique à intégrer une foultitude de références aux philosophes les plus pessimistes de notre Histoire, elle-même évoquée uniquement au prisme de ses soubresauts les plus horriblement mémorables - le Vietnam, l'Holocauste, et bien d'autres - via des images d'archive ou une radio diégétique. Sorte de geste punk terminal au nihilisme aussi désespéré que libérateur, porté par un noir et blanc stylisé qui ressuscite les ombres de l'expressionnisme allemand tout en l'inscrivant dans des problématiques contemporaines, l'ovni de Ferrara se vit comme un éprouvant mais cathartique saut dans le néant.