The Amazing Spider-Man : le Destin d'un Héros · L'avis de Shin

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En janvier 2010, lorsque Sony officialise l'annulation du Spider-Man 4 de Sam Raimi (pourtant prévu pour 2011) au profit d'un reboot confié à un "inconnu" du nom de Marc Webb, le studio se rend alors responsable d'une sorte de "péché originel". Car cette décision étonnante – Spider-Man 3 ayant alors été (avec près de 900 millions de dollars de recettes) l'épisode le plus lucratif de la saga – ne frustra pas seulement les fans du super-héros imaginé par le créateur de Evil Dead, elle marqua surtout le point de départ d'une réticence farouche et irrémédiable (pour ne pas dire "haine") envers cette nouvelle franchise. Pour les admirateurs de Sam Raimi, déjà fortement remontés contre Sony qu'ils estiment déjà totalement responsables – à tort ou à raison – du semi fiasco Spider-Man 3, la sortie de The Amazing Spider-Man en 2012 était l'affront de trop. Pris au piège entre un réalisateur bien décidé cette fois-ci à imposer ses choix (notamment concernant la présence du "old school" Vautour, dont personne ne voulait chez Sony) et la perspective de voir les droits (et les dollars qui vont avec) de l'homme araignée s'échapper au profit de la maison Marvel, les pontes du studio ont évidemment agi dans la précipitation et de façon pour le moins maladroite. Rebooter une franchise globalement appréciée, et dont le dernier opus n'a même pas cinq ans, était effectivement un pari aussi osé que suicidaire. En même temps, s'ils ne voulaient pas "perdre" ce personnage emblématique de leur catalogue, ils n'avaient pas vraiment pléthore d'options... Toutefois, si la déception des fans de la première heure est tout à fait légitime et compréhensible, leur acharnement systématique à l'encontre de cette nouvelle franchise – entre condamnation de principe et mauvaise foi manifeste – a de quoi laisser pantois. Avec le temps, les reproches adressés à l'encontre des films de Sam Raimi sont ainsi devenus sans importance et sa saga s'est tranquillement érigée au rang de grande "référence du genre" ; tandis que ceux de Marc Webb étaient inévitablement de sombres "navets honteux".


Certes, Sam Raimi avait produit un travail tout à fait honorable, et sa trilogie reste encore aujourd'hui un sympathique divertissement. Néanmoins, il faut savoir raison garder. Par exemple, aussi réussi soit l'opus le plus apprécié de sa saga, Spider-Man 2 est loin d'être ce "chef-d'œuvre" indétrônable qu'on essaie aujourd'hui de nous vendre. Il est bien, certes. Excellent, même. Mais franchement, ce n'est pas comme si on n'avait jamais connu mieux (ou du moins aussi bien) avant ou après : les Superman de Richard Donner, les Batman de Tim Burton, The Crow, Blade 2, Hellboy 2, Kick Ass, Watchmen, X-Men : First Class, Avengers, Captain America : Winter Soldier... Sans parler du formidable The Dark Knight (qui obtient d'ailleurs 9/10 sur IMDB quant celui de Sam Raimi récolte un "modeste" 7,4/10) ; ou encore de tous ces films de super-héros originaux (car non issus de comics) et formidables tels que RoboCop, Mystery Men, Les Indestructibles, Super et bien sûr Incassable (LA référence du genre en ce qui me concerne). Surtout, si Spider-Man 2 était clairement à ranger du côté des réussites, ce n'était franchement pas le cas du premier épisode (passablement emmerdant) et encore moins du troisième (à moitié raté concernant Venom, à moitié ridicule concernant Dark Spidey). Mais bon, rien n'y fait. Sam Raimi est nécessairement un génie, et Marc Webb forcément un tâcheron. Ainsi, lorsque Marc Webb ose mettre en scène des ouvriers qui aident l'Araignée en alignant des grues, c'est un imbécile. En revanche, quand Sam Raimi filmait des badauds balancer des tomates et des pommes sur la tête du Bouffon Vert, c'était un virtuose. De la même façon, lorsque Marc Webb montre Spider-Man révéler son visage à un enfant apeuré pour lui donner confiance après l'attaque du Lézard et ainsi lui sauver la vie, c'est un abruti. Par contre, quand Sam Raimi nous gratifiait d'une séquence où son héros retirait son masque devant la centaine de passagers d'une rame de métro avant d'être porté au ciel comme une rock-star, c'était un prodige. Un passage qu'on retrouvait d'ailleurs dans "l'irréprochable" Spider-Man 2. Et c'est seulement lorsque Sam Raimi lui-même affirme qu'il adore la version de Marc Webb qu'il perd soudainement toute crédibilité aux yeux de ses fans. "Vendu !" crient les uns. "Hypocrite !" hurlent les autres. Et c'est sûr que, vu comment ça s'est terminé avec Sony, il avait toutes les raisons de prendre des pincettes avec eux... Cela dit, il ne s'agit pas ici de prouver que l'un soit meilleur que l'autre, mais plutôt de mettre en évidence le fait qu'ils ont justement livrés, tous les deux, des films imparfaits – chaque vision ayant ses défauts, et ses qualités – et que nouvelle approche n'est pas forcément synonyme d'hérésie absolue.



Andrew Garfield & Emma Stone, dans la chaleur de la nuit.



En découvrant le premier The Amazing Spider-Man, on sentait bien que la vague nolanienne était passée par là. Sans pour autant atteindre la noirceur du Chevalier Noir (lui aussi hanté par la disparition précoce de ses parents), la destinée de l'Homme Araignée y était présentée de façon plus sombre et tourmentée (quitte à complexifier parfois inutilement le récit). Une approche qui était d'ailleurs accentuée par quelques références inattendues au cinéma horrifique. Ainsi, lorsque Peter Parker découvrait les effets de la morsure, son basculement entre l'angoisse paranoïaque provoquée par les changements de son corps et l'état extatique procuré par ses nouvelles capacités n'était pas sans rappeler La Mouche de David Cronenberg. De la même façon, le destin tragique de ce savant fou et désespéré, à la fois cobaye et victime de ses propres expériences, incarné par Rhys Ifans évoquait quelque peu les personnages torturés similaires que campait Vincent Price pour la Hammer. Mais surtout, tout comme Christopher Nolan avant lui s'était démarqué de l'approche de Tim Burton en s'intéressant moins aux vilains qu'à son héros, Marc Webb a surtout chercher à mettre l'accent sur le développement de Peter Parker et sa transformation en super-héros. D'ailleurs, si les antagonistes de l'Araignée manquent encore de cette saveur particulière qu'ils avaient chez Sam Raimi (Willem Dafoe et Alfred Molina demeurant des méchants assez mémorables), le Spider-Man de Marc Webb gagne sensiblement en profondeur. Plus drôle, plus agile, plus arachnéen, le personnage y est surtout plus fidèle à la version originale de Marvel. Tout comme dans les comics, Spidey n'est donc pas avare de vannes (l'humour est ici bien plus omniprésent), fabrique sa propre toile grâce à ses connaissances scientifiques (bye-bye les fils "magiques" sortant de ses poignées) et utilise ses pouvoirs avec une bien plus grande ingéniosité (tissant une véritable toile d'araignée pour repérer le Lézard dans le premier film, ou la nouant pour piéger Electro dans celui-ci). Outre la personnalité du héros, l'histoire développée dans The Amazing Spider-Man et sa séquelle est également plus fidèle à son modèle de papier. La rousse Mary-Jane Watson laisse donc sa place à la blonde Gwen Stacy qui redevient donc le véritable premier amour de Peter Parker. Quant à la sous-intrigue concernant les parents de notre héros, si elle n'est pas toujours très limpide, elle n'en demeure pas mois aussi parfaitement raccord avec les comics (ceux-ci étant supposés être des agents secrets du S.H.I.E.L.D.).


Mais, au-dessus de tout, ce qui fait la force des films de Marc Webb, c'est la pertinence de son casting principal. En remplaçant l'insipide Tobey Maguire par le succulent Andrew Garfield, le cinéaste nous épargne donc la vision pathétique d'un Peter Parker souffre-douleur qui se cache dans les vestiaires pour aller pleurnicher. Son héros n'est donc plus ce loser introverti mal dans sa peau, mais plutôt un marginal solitaire indécis dont le potentiel n'attendait qu'à être développé. Moins radicale, sa transformation en super-héros n'en paraît que plus crédible ; là où Teubé Maguire avait bien du mal à nous faire croire que des couilles lui étaient miraculeusement poussées qu'il était soudainement devenu plus sûr de lui. Faut dire aussi qu'il n'était pas non plus aidé par le traitement choisi par Sam Raimi. Car si la romance mis en scène par Marc Webb semble toujours aussi juvénile (en même temps, il s'agit d'adolescents), on n'est quand même à des lieues du niveau de mièvrerie atteint par la première trilogie entre ce niais de Tobey Maguire bredouillant avec peine « MJ... je... te... euh... je voulais... mmm... fff... non rien » et cette insupportable tête-à-claque de Kirsten Dunst le regardant avec des grands yeux d'ahurie avant de tourner le dos en chialant. Un "je t'aime, moi non plus" ultra relou qui s'éternisa pendant trois (longs) films. À la différence du Peter Parker de Tobey Maguire qui reste toujours un faible pathétique, celui interprété par Andrew Garfield gagne véritablement confiance à partir du moment où il devient Spider-Man ; trouvant le courage d'avouer ses sentiments, et son secret, à l'élue de son cœur. De la même façon, on gagne très largement au change avec Emma Stone qui – en plus d'être nettement plus craquante que la fadasse Kirsten Dunst – incarne une petite amie ne se contentant pas d'être cette pauvre victime innocente, ce gros boulet humain, que le héros doit systématiquement sauver. Gwen Stacy a de la personnalité et du mordant. Moins énervante et plus touchante, l'histoire d'amour amorcée dans The Amazing Spider-Man (et prolongée ici) n'en est que plus attachante. Pour le reste, si Jamie Foxx campe un Electro ersatz de l'Homme-Mystère incarné par Jim Carrey dans Batman Forever (scientifique délaissé un peu timbré et revanchard) assez oubliable, il n'en va pas de même concernant l'interprète du nouveau Bouffon Vert. Véritable révélation du singulier Chronicle, Dane DeHaan – sans pour autant faire oublier la prestation remarquable de James Franco – est impeccable dans le rôle du tourmenté Harry Osborn. N'ayant probablement pas encore livré tout son potentiel, son personnage pourrait enfin être le grand méchant du prochain film ; celui qui manque d'ailleurs encore et toujours à cette nouvelle franchise. En revanche, je ne félicite pas le distributeur qui a cru bon mettre en avant le Rhino ; personnage apparaissant à peine deux minutes, qui aurait pu être une agréable surprise, mais certainement pas un argument commercial...



Dane DeHaan, à l'ombre de la haine.



Creusant davantage encore l'énigme entourant la disparition soudaine et précipité des parents de Peter Parker, The Amazing Spider-Man : le Destin d'un Héros propose une intrigue plus prenante que son prédécesseur. Et bien que le scénario soit largement perfectible, les méchants y sont nettement moins inconsistants (c'est surtout vrai pour le Bouffon Vert, mais Electro s'est avéré nettement moins ridicule que je ne l'avais redouté), et certains ressorts narratifs m'ont agréablement surpris. L'explication concernant les pouvoirs de Peter Parker apporte ainsi un éclairage intéressant sur ce qui le rend si unique. S'il avait été reproché au premier film de Marc Webb d'avoir négligé la mort de l'oncle Ben (sans doute trop expéditive, malgré un Martin Sheen touchant), le réalisateur parvient ici à rendre son récit plus poignant, tout en évitant la redite des films de Sam Raimi. Le troma éprouvé par Peter Parker suite à la mort de George Stacy sert ainsi de socle – la silhouette de Denis Leary venant régulièrement hanter le héros – à une profonde remise en question l'amenant à prendre conscience de l'écrasante responsabilité que ses pouvoirs impliquent (une idée issue des comics) ; un véritable "destin de héros" emprunt d'une émotion au tournant assez inattendu. De la même façon, Marc Webb parvient à s'émanciper de la trilogie récente (et encore donc très présente dans les esprits) de Sam Raimi en proposant une représentation très différente de la famille Osborn qui ménage ainsi l'effet de surprise chez le spectateur (le jeu maniéré élégant et magnétique de Dane DeHaan faisait le reste). Il ne s'attarde toujours pas non plus sur la partie "journalistique" de la vie de Peter Parker (l'un des gros points forts de la saga réalisée par Sam Raimi avec un J. K. Simmons survolté inoubliable en patron colérique du Daily Bugle) ; un mal pour bien qui évite là aussi le sentiment de déjà-vu (même s'il faudra sans doute y venir un jour). Bien plus palpitant et riche que le premier The Amazing Spider-Man, ce second épisode donne toutefois par moment l'étrange impression de n'être qu'une étape (l'apparition furtive du Rhino ne servant finalement qu'à annoncer le projet Sinister Six) avant le troisième long-métrage (qui s'annonce particulièrement prometteur cela dit).


En conclusion, s'il semble inévitable de vouloir comparer ce reboot avec la première trilogie (objectivement trop rapprochés dans le temps), on remarque surtout qu'il est tout à fait possible d'apprécier les deux approches. Les films de Sam Raimi étaient assez admirablement mis en scène (certaines séquences – comme la naissance de l'Homme de Sable ou le combat contre Dr. Octopus – étaient vraiment sublimes), mais le réalisateur de (500) jours ensemble ne démérite vraiment pas. Car si ses scènes d'action manquent souvent de visibilité en gros plan (le corps-à-corps dans l'avion et le combat contre le Bouffon Vert sont décevants), certaines trouvailles visuelles de son The Amazing Spider-Man : le Destin d'un Héros s'avèrent très réussies (à l'instar de la scène de ralenti durant laquelle Peter Parker évite l'électrocution aux passants), et sa mise en scène prend une toute autre ampleur lorsque les cadres se font plus larges (qu'il s'agisse de figurer les déplacements éclair de Electro ou faire tournoyer la caméra autour de l'Araignée pour rendre compte de ses acrobaties). Ce qui n'empêche pas à Marc Webb de faire également preuve d'une belle inventivité dans des passages plus inattendus (comme lorsque l'espiègle Peter Parker s'amuse à détourner l'attention des gardes de OsCorp). En ce qui concerne le nouveau costume de Spider-Man présenté ici, il est aussi nettement plus convainquant (les affreux "verres solaires" du premier film ayant laissé place à de larges "yeux blancs" plus proches de l'esthétique des comics d'origine). Pour le reste, si le look des vilains ne m'a pas spécialement emballé (notamment concernant Electro, même si je m'attendais à pire), je dois néanmoins reconnaître que les effets-visuels m'ont paru nettement plus convaincants que la bande-annonce ne le laisser à penser (surtout lorsqu'on se rappelle le méchant coup de vieux pris par ceux de l'ancienne trilogie) ; et le recours massif aux cascades "live" autant que possible augmentant de surcroît assez significativement le réalisme des scènes d'action (dont le spectacle s'avère plutôt réjouissant). Au final, bien que l'Homme Araignée soit toujours l'un des super-héros me passionnant le moins, je continue donc à préférer le Peter Parker / Spider-Man de cette nouvelle franchise ; bien plus fidèle à l'image facétieuse et décontractée que j'avais du personnage à la lecture des comics, et auquel – dès lors qu'il ne se coltine pas la tronche de Teubé Maguire – j'ai déjà moins envie de filer des baffes.

Shinémathèque
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le 16 févr. 2015

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Strangelove
5

En fait un mec qui s'appelle Marc Webb, il est destiné à réaliser un film sur Spider-Man... Non ?...

Le nouveau Spider man, je l'attendais un peu. Parce que le précédent était une franche rigolade, et assez ringard comparé à la trilogie de Raimi (nous dirons d'ailleurs diptyque, le troisième film...

le 30 avr. 2014

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