Romero still lives
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le 13 oct. 2020
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Je ne sais pas si l'on se rend compte de la chance que l'on a de voir ressurgir ce film d'outre-tombe. The Amusement Park n'est même pas un film perdu, comme l'ont pu l'être les films de Méliès, c'est un film inexistant. C'est seulement depuis quelques années que l'on a découvert son existence et pouvoir enfin le découvrir, plus de 10 ans après le dernier film de son auteur et 3 ans après sa mort, c'est époustouflant.
The Amusement Park c'est donc un film de commande, un film préventif sur la précarité et les problèmes que peuvent avoir les personnes âgées en 1973. Le commanditaire, l'église luthérienne, a donc confié cette tâche au jeune cador de Pittsburgh qui, après son immense succès La Nuit des Morts-Vivants, peine à se faire une belle place au cinéma. En quête d'argent (puisque Romero ne toucha pas le moindre de dollar de l'exploitation de sa nuit des morts-vivants), ce bon George accepte et... répond aux attentes de l'église, peut-être un peu trop. Ce film est en effet trop choquant, trop bouleversant pour être exploité, surtout par de tels commanditaires. Il est donc oublié, il n'a jamais existé et Romero fera la carrière qu'on lui connaît, le très bon Zombie, le superbe Le Jour des Morts-Vivants ou le très sous-coté et brillant Le Territoire des Morts.
Mais du coup, pourquoi voir ce film si ce n'est pour l'incroyable histoire et la chance unique de l'avoir retrouvé ? Bah tout simplement parce que c'est brillant. Tout simplement parce qu'il s'inscrit parfaitement dans la filmographie de Romero.
Donc, comme je l'ai dit, c'est un film appelant la population américaine à faire un peu plus attention à nos vieux. Pour se faire, George Andrew va placer notre petit vieux, Lincoln Maazel, qui jouera aussi dans Martin, à l'intérieur du meilleur endroit pour faire rire et pleurer les enfants, un parc d'attraction. Alors le parc est une allégorie de notre société, pas besoin d'être futé pour le remarquer, et le parti-pris du réal fait que c'est pas très agréable de voir ce film tant il se calque sur la réalité.
Il y a vraiment un côté semi-documentaire dans ce film, déjà car il traite d'un sujet totalement réel et ancré dans notre société mais aussi car aucune personne présente dans ce film est professionnelle. Ce sont surtout des personnes fournis par l'église et des personnes âgées présentes bénévolement car touchées par ce que raconte le film. Rajoutons à cela l'introduction où l'on voit Maazel faire un préambule du métrage, à la manière de documentaires que l'on à l'habitude de voir.
The Amusement Park est un film qui traite parfaitement son propos. Qui le traite cependant avec une réelle violence, qui lui portera préjudice. Le point fort du film est à mon sens l'utilisation absolument parfaite du son. Comme l'on pourrait s'y attendre, un parc d'attraction est bruyant. Et entre les cris d'enfants, mais aussi d'adultes, la musique du parc, les clowns et tous les bruitages sonores, on ne s'entend plus parler. Là encore allégorie de notre société, industrialisée, bourrée de nuisances sonores, où la parole et la communication n'ont plus leur place dans un monde programmé. Les gens sont dans ce parc pour faire des attractions, aucune distraction n'est envisageable. Ainsi, lorsque notre protagoniste voit des personnes se faire violenter ou bien quand c'est sa personne qui subit cette violence, rien n'est fait, car ̶d̶a̶n̶s̶ ̶l̶'̶e̶s̶p̶a̶c̶e̶ dans notre société, personne ne vous entend crier.
Dans la carrière de grands réalisateurs, les films de commande d'organisations en dehors du cinéma sont souvent des œuvres qui sont à l'écart du reste de la filmographie du réal, dénaturées pour cocher les cases demandées. On peut notamment penser à de nombreux films de propagandes comme Le Plus Dignement de Akira Kurosawa ou Cathy Paris de Natoo (pas sûr de cet exemple), mais The Amusement Park s'inscrit parfaitement dans l'Œuvre de Romero. Quand l'on voit toute cette foule bouger, bousculer le protagoniste et foncer sur les attractions, on ne peut pas faire abstraction du parallèle évident avec ses zombies.
On retrouve ces zombies dans l'évolution du protagoniste, passant d'un vieil homme d'apparence bien portant et en bonne santé, à quelqu'un de défiguré et ensanglanté ayant du mal à aligner les mots.
Quand on y pense The Amusement Park paraît comme la parfaite liaison entre La Nuit des Morts-Vivants et Zombie. J'en ai parlé, Romero détourne le comportement humain des personnes du parc pour les rapprocher du zombie et délivre un message et un constat sur la société américaine. En soit, cela se retrouve dans chacun des films de la saga des Morts-Vivants. Mais le parallèle avec Zombie est totalement évident lorsque l'on voit débarquer des motards, ayant le même rôle ici que dans le film de 1978. Je pense qu'il n'y a pas de coïncidence et que ces motards se sont retrouvés dans Zombie suite à l'avortement de The Amusement Park.
Pour que la boucle soit bouclée, le "West View Park", lieu de tournage du film va devenir, en 1980, un centre commercial comme dans... Zombie.
Bref, ne laissez pas passer cette chance unique, de voir ce film unique. Le destin de ce film est unique mais en aucun cas c'est une anomalie dans la carrière de cet incroyable réalisateur qu'est George Andrew Romero. Si vous avez vu toute sa filmographie, ce film la conclut parfaitement. Si vous n'avez encore rien vu, c'est une excellente porte d'entrée. Quel bonheur de voir ce film ressurgir d'entre les morts (vivants).
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Créée
le 5 juin 2021
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