The Artist c'est un film muet qui parle du parlant et ça c'est assez intéressant déjà ! En effet, Jean Dujardin y endosse le rôle du parfait petit acteur muet hyper populaire qui fait rire tout le monde avec ses mimiques (sauf peut-être sa femme) mais qui va finir par être rattrapé (comme tous) par la nouvelle génération et surtout par le parlant (magnifique scène où le son envahi l'espace d'un Jean Dujardin privé de la parole).
Le film retrace aussi un peu l'histoire du cinéma, le travail des figurants et l'ascension d'une actrice dans l'univers du parlant, forte de sa jeunesse et de son charisme. Les deux vont se croiser, se plaire et se fuir mais aussi se détester presque (scène du restaurant...). Puis c'est l'effusion, elle monte, il sombre, elle s'accroche à lui, il s'accroche à des illusions... Les deux acteurs sont magnifiques, on est touché, on y croit (Bérénice Bejo s'enroulant dans la veste de Dujardin comme s'il l'enlaçait réellement) , une preuve qu'une belle rencontre d'acteurs peut se passer de mots et ce film le fait très bien alliant humour et moment tragique.
Dès le début le cinéma est présent avec la double présence du personnage de Dujardin à la fois dans l'écran sur le film projeté, dans la salle de cinéma où il se trouve dans le film mais aussi dans notre propre salle de cinéma à nous spectateur sur notre écran, une belle scène suivie d'un gag (le salut interminable de Dujardin). On est donc dans une fin de carrière, un homme à bout qui s'enferme pendant que celle qui espère pour lui brille de mille feu. Ils sont à mille lieux l'un de l'autre et pourtant depuis leur première rencontre fou rire, on sait qu'ils sont amenés à finir ensemble et à faire de grandes choses à deux, dans leur petit univers (la naissance du cabaret). Quand à l'esthétisme, le film ne casse pas les codes du muet puisque c'est un exercice quasiment scolaire de recréation du muet comme dans l'Aurore (que Dujardin affirme avoir visionné pour préparer son film) de Murnau, il y a donc une belle prise de position pour faire revenir assez intelligemment un univers sur le devant de la scène, y ajoutant volontairement quelques anachronismes pour travailler sur cette naissance du parlant et la mort de tout un cinéma.
C'est aussi le génie créateur et fou qui se trouve dans le personnage de Dujardin, de ces personnages que le cinéma aimait tant (Frankenstein...). Il n'y a pas de grande audace dans le film, avec les moyens d'aujourd'hui la prouesse perd de son charme et les quelques longueurs du film (que l'on remarque à peine) sont biens équilibrées par de beau moment de cinéma, un cinéma qui sait remettre en avant le pouvoir des images, seule et vraie force du 7e art ici à l'hommage.