Comme pour ses autres films, The Assassin peut décontenancer tant le style de narration y est radical. Il ne s'agit pas tant de reprendre à l'identique les codes du wu xia pian, mais plutôt de les ajuster au drame historique sur fond de transition politique. Évidemment, cela ne surprend pas tellement lorsque l'on connaît l'affection particulière que porte Hou Hsiao-hsien à décrire les transitions de vie, politiques.


Et bien évidemment, la question de rester en harmonie avec la nature. Parce que c'est bien là où the Assassin se distingue très nettement des grands classiques de Zhang Yimou (somme toute magnifiques aussi), le personnage n'est pas nécessairement attachant, surtout paradoxal. Beaucoup ont reproché au film de manquer de substance, de fond concret vis à vis de l'intrigue alors qu'il faut simplement appréhender l'œuvre de HHH comme le récit d'une prisonnière de guerre.


Assassine, rejetant parce qu'il le faut son amour d'antan, Yinniang finit par trouver la paix avec la nature. Surtout, on ne parvient plus tellement à distinguer les oppresseurs des oppressés, à l'image de la cavalcade impériale souhaitant tuer Tian Ji'an. Cette femme est un pion, servant l'Empire, que l'on pourrait remplacer par une autre assassine : un motif que l'on retrouve énormément dans la filmographie du cinéaste, l'émancipation de la femme et l'affirmation de sa volonté.


En fin de compte, The Assassin évoque avec malice l'impossibilité de l'indépendance des provinces en Chine au 9ème siècle. Combien de plans fixes retrouve-t-on, encadrant le couple de Tian Ji'an, attendant le coup du glas. L'assassine les observe, comme pour se préparer à commettre l'irréparable, elle-même condamnée plus jeune dans des circonstances pas si différentes.


The Assassin, c'est peut-être ce pays en réalité, et c'est bien là que le film de HHH frappe très fort. En insistant sur ses éléments de mise en scène habituels, le réalisateur a su créer une atmosphère sans équivalent : l'osmose de ses personnages avec l'environnement, puisqu'il ne reste plus que cela pour se sentir libre. Les combats sont brefs, sans doute par lassitude et désapprobation même de leur fonction, les soldats de l'Empire souhaitant en finir dans les plus brefs délais. Le travail sur le son est exceptionnel et ce n'est pas faute de le dire, il participe à la dramaturgie de l'ensemble, qu'il s'agisse du vent ou du bruit des oiseaux la nuit.


Convoquant solitude, désir de liberté et aliénation à l'Empire, The Assassin est une merveille de mise en scène et sans aucun doute, un grand film incompris.

Créée

le 12 nov. 2021

Critique lue 80 fois

4 j'aime

William Carlier

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