ultra déroutant, et super bon.
Déroutant déjà parce que comme beaucoup de films d'auteur qui s'affilie à un genre, le réalisateur n'en suit pas trop les codes. Il faut pas s'attendre à voir un film d'action ou d'arts martiaux. Je saurais pas bien dire ce que c'est, plutôt un mélange de genre, un portrait psychologique/familial ?
D'ailleurs je n'ai pas même tout bien saisi de l'histoire, je ne la trouve pas simple à suivre, mais je pense pas vraiment que ce soit le but. A mes yeux tout l'intérêt du film réside dans la façon de filmer. Bon bien sûr il y a la beauté plastique, ça donne à peu près l'impression d'avoir un tableau à chaque plan, avec un travail en lumière naturelle ou quasi naturelle parfois, et avec d'autres effets de couleur plus travaillé dans les intérieurs (enfin il m'a semblé). Mais le vrai point fort, et c'est un truc que j'ai jamais autant ressenti, c'est assez unique : on a l'impression que le caméraman est un personnage vivant, témoin de la scène. En fait ça tient au cadrage, parce que justement on a pas l'impression de voir que le décor, les personnages et leurs mouvements ont été pensé pour que ça rende bien à la caméra, on a plutôt l'impression qu'il y a tous ces éléments et un témoin (la caméra) qui s'en arrange, se déplaçant parfois, parfois pas. Parfois ce témoin ce déplace très légèrement, très lentement, d'à peine quelques centimètres pour finalement revenir à sa position. Ce genre de parti pris ne semble répondre à aucune logique ou construction, ça ressemble beaucoup plus à des mouvements humains. Quand on est dans une pièce à écouter ou regarder une interaction ou simplement une autre personne, on va parfois avoir des mouvements assez aléatoires, gratuits, infimes, inutiles. C'est ce que fait ressentir Hou Hsiao-Hsien. Il donne aussi cette impression d'avoir/d'être un véritable témoin de l'action avec sa façon de filmer certains combats ou encore les scènes avec des cavaliers ; il filme toujours à hauteur d'homme, très calmement, exactement comme on verrait les choses si on était soi-même sur les chemins et qu'on voyait passer ces gens à côté ou au loin.
Puis comme les scènes s'étirent souvent dans le calme, et qu'on a cette impression d'en être un témoin vivant, il y a une vraie tension qui est instaurée grâce aux capacités du personnage principal. On nous la montre capable de s'infiltrer où elle veut, cachée n'importe où, suspendue au plafond, aux charpentes. A chaque moment du film on sait qu'elle pourrait être là. Quand elle frappe c'est parfois extrêmement soudain, et c'est monté de façon tranchante. Sans prévenir on saute sur un plan ou elle envoie un coup à un mec, on entend le coup, on en voit les dégâts, et on saute sur la scène d'après, le tout en quelques instants. Et d'ailleurs, comme on voit qu'elle est capable de compassion et qu'elle a des liens forts avec ses cibles, on ne sait jamais non plus si elle va sévir, ou se retenir.
Tous ces éléments créent de l'incertitude, de la tension, de la surprise.
C'est vraiment un film unique, pas le plus évident à aborder, mais trop trop fort