Sean Penn joue un homme au bout du rouleau. Vendeur de meubles que son patron méprise, en instance de divorce avec son épouse (Naomi Watts), honnête, droit, il déverse sa haine sur le président Nixon qu'il accuse de tous ses maux. Peu à peu, la spirale va aller vers le bas, vers toujours plus de malchance et de mauvaises combines, jusqu'à un projet d'assassinat du président.
Le personnage est montré comme quelqu'un de névrosé, et cela, Sean Penn le rend admirablement bien. Présent dans la grande majorité des plans, il est impressionnant, car il arrive à se montrer frêle et fragile sous son physique pourtant ordinaire, mais il a tendance à être rabaissé, à être traité comme un moins que rien, jusqu'à ce les nerfs lâchent, et qu'il apprenne que la séparation qu'il croyait temporaire, devient un divorce clair et net.
Le rythme du film est par contre dans une certaine lenteur, à la mesure du personnage, dont l'histoire s'est réellement déroulée, avec une superbe photo d'Emmanuel Lubezki qui montre clairement que ce type vit dans un monde factice, à l'image de ce mobilier de 1973, de son appartement meublé qui sonne faux, et lui seul représente, en son sens, la réalité, la justice, celle de la défense des Noirs, des opprimés, et de la haine, croit-il, collective, pour Nixon.
Sean Penn prend tellement l'image qu'à côté, Don Cheadle et Naomi Watts sont des silhouettes. Mais le pivot de l'histoire est dans l'arrivée de Michael Wincott, jouant son frère, et un redoutable voleur de scènes dans ces quelques minutes d'apparition, et qui casse le dernier lien avec la raison.
Disons que j'ai été complètement cueilli par le film, malgré son rythme lancinant, et qui pourrait être comparé à une implosion au ralenti. On pense aussi à Taxi Driver dans le sens où le personnage est lui aussi quelqu'un qui voit que tout est foutu, jusqu'au passage à l'acte.
Passé complètement inaperçu, c'est le seul film du réalisateur jusqu'à un second essai en 2020, mais celui-ci est déjà une très belle réussite.