Une esthétique du vide qui divisera le public

"Une femme qui fait des photocopies pendant une heure", voici comment la grande majorité des spectateurs de ce Festival de Deauville a décrit The Assistant. On ne peut pas vraiment leur donner tort, lorsque le film consiste en une mise en scène presque documentaire sur le quotidien d'une secrétaire d'agence de communication, mais il faudra alors plutôt voir le film comme une esthétique du vide (amateurs de Marguerite Duras, bien le bonjour à vous !) qui met en avant les gestes de tous les jours, communs à la plupart des travailleurs (on s'y reconnaît facilement). On pense alors au beau film Paterson (2016) qui magnifiait déjà ce quotidien factuel mais si poétique avec cette même mise en scène de l'esthétique du vide, et n'avait pas tant attiré les foudres que cette nouvelle version. On remarquera tout de même la récompense ("étonnante") du Prix de la Mise en Scène... Surtout que le discours du MeToo (les femmes qui se soulèvent contre les oppressions des hommes) est plutôt discret, passe sans mal et évite les gros sabots de quelques autres films sur le sujet des attouchements des femmes par leur patron (tel le plaisant Scandal l'année dernière, qui manquait simplement de finesse et défendait son sujet à coups d'uppercuts scénaristiques). La jeune Julie Garner convainc dans son rôle, il est assez facile de s'identifier à son personnage négligé par sa propre entreprise et ses collègues (bienheureux ceux à qui cela n'est jamais arrivé !), et l'impossibilité de la dénonciation des attouchements est un thème toujours bon à souligner si l'on veut faire progresser les mentalités. Les parents enthousiastes au point de faire culpabiliser leur fille si elle avoue que son métier n'est finalement pas si rose que prévu, les RH qui n'écoutent rien à sa déposition et font tout pour mettre la poussière sous le tapis, le patron qui la menace sans cesse de licenciement, tout est fait pour que l'on se rende compte de l'impasse sociale dans laquelle ces femmes de l'ombre se trouvent. Malgré la lenteur des séquences et quelques plans qui durent trop, The Assistant se pare d'une mise en scène basée sur l'esthétique du vide qui permet à son sujet polémique de passer sans grand discours pompeux et avec plus de réalisme que prévu. Si vous êtes patient (testez Paterson pour le savoir), ce drame s'offre humblement à vous.

Aude_L
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le 15 sept. 2020

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