En début d'année 2020 est sorti Scandale qui traitait déjà de #metoo sur un mode plus divertissant et théâtral, que j’avais trouvé au final plutôt superficiel. The Assistant en est le contre-pied en s'attardant au sexisme quotidien dans ce qu'il a de plus banal et d'insidieux. Je trouve en cela le film beaucoup plus subtil et puissant, et même s’il traite d’un sujet très actuel, il relève moins du phénomène de mode.


Julia Garner incarne Jane, la nouvelle assistante d’un producteur demi-urge invisible mais omnipotent et omniprésent : « il » est partout, surveille, contrôle, règne. Weinstein est désigné implicitement mais le fait de ne pas le nommer donne un caractère plus universel au film. Ces événements pourraient se passer dans un autre environnement de travail avec un homme de pouvoir puissant.
Au-delà du calvaire que subit Jane au quotidien et des agissements moralement questionnables dont elle prend conscience, la force du film vient de la représentation de l'ambiance malsaine généralisée de l'entreprise. Ses autres collègues sont à la fois ses alliés et ses ennemis, ils vont parfois l'enfoncer et parfois l'aider sincèrement, ils vont eux-mêmes subir les foudres ou les bonnes grâces de « il ». Chacun s’adapte, s’endurcit, cherche des excuses et surtout se tait, complices d’un système bien établi. Et quand Jane n’en peut plus, on la décourage voire on la culpabilise.


Le parti pris de Kitty Green est cependant très clivant : plutôt que de choisir des moments spécifiques dans le travail d'une personne on va suivre une unique journée de Jane, première arrivée et dernière partie, et égrener son quotidien fait de tâches ingrates et répétitives, de solitude et d'une bonne dose d'aliénation. Kitty Green fait un travail quasi documentaire et révèle méthodiquement le glissement de la normalité au sein d'une entreprise toxique. Je comprends qu'on n’adhère pas à son choix car j'ai moi-même trouvé ça très frustrant de suivre uniquement une journée et de ne pas pouvoir aller plus loin. C'est réellement un film d'ambiance qui montre beaucoup avec peu, travaille les absences et les non-dits — mais ce n'est pas un film narratif.


Le film est très travaillé et maitrisé sur le plan technique, avec des compostions fortes et majoritairement des plans fixes, ainsi que de nombreux très gros plans. Couplé à une ambiance très silencieuse et une photographie légèrement terne, The Assistant utilise tout le langage cinématographique à sa disposition pour magnifier un environnement solitaire et hostile, une anxiété palpable et croissante, et un sentiment flottant de malaise.


Nul doute que son esthétique ennuiera ou rebutera de nombreux spectateurs, mais je trouve cette approche tout aussi nécessaire qu’un film plus « narratif », dans le sens de divertissant.

AlicePerron1
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le 2 janv. 2021

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Alice Perron

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