Sans être au fait de A Girl Walks Home Alone at Night, premier film salué de la réalisatrice Ana Lily Amirpour, je n'avais que le casting intéressant de The Bad Batch pour me mettre l'eau à la bouche. Et dans cette atmosphère particulière, il faut avouer que chaque nom connu et reconnu, qu'il s'agisse d'un rôle mineur ou majeur dans l'histoire, réussit à être marquant. A les voir sous les traits de ses personnages atypiques et hauts en couleurs, on imagine aisément ce qui a pu les séduire.
Imaginez : Jason Momoa en Miami Man, papa aimant et artiste bodybuildé, tatoué et cannibale; Giovanni Ribisi, déboussolé et goguenard, déambulant aux prises avec une folie permanente; Keanu Reeves en gourou flegmatique à l'œil lubrique et aux faux airs de Pablo Escobar; Jim Carrey en ????, car oui Jim Carrey joue dans ce film, saurez-vous le retrouver ?
Avouez que tout ça met l'eau à la bouche !
Et tout ce beau monde s'agite et se croise autour de Suki Waterhouse, jeune nouvelle arrivante dans une prison à ciel ouvert.
The Bad Batch, traduisez La mauvaise graine, se déroule dans une réalité alternative où les rebus, les inadaptés, les incompris, les tâches sur le drapeau d'une société américaine qu'on imagine vertueuse, sont envoyés dans un no man's land en plein milieu du désert. Pas de gardes. Un tatouage sous l'oreille avec un numéro en guise d'au revoir et vous voilà abandonné derrière un grillage. Le néant et l'inconnu à perte de vue.
Arlen fait son entrée sur ce nouveau territoire et elle va découvrir en en payant le prix fort, une société qui s'est organisée dans un univers qui a tout de post-apocalyptique. Communautés, cannibales, décharges à ciel ouvert, épaves d'avions, constituent un décor idéal pour tous ces recalés d'un monde dans lequel ils n'ont plus leur place. lls errent, s'adaptent, survivent, se réorganisent et reproduisent les erreurs d'un système qui les a bannis dans un environnement hostile et à priori invivable où les vautours, en attente d'un repas semblent omniprésents. Alors qu'une certaine liberté est palpable, que les compteurs sont remis à zéro, on retrouve une certaine superficialité, l'envie d'être regroupé derrière un leader dans la ville au nom évocateur : Comfort.
Ana Lily Amirpour réussit à créer un univers visuellement riche et elle joue de petits détails pour rendre l'atmosphère de son film à la fois pesante et lunaire dans son introduction. Les musiques entraînantes se superposent aux cris de terreur et, d'une boucherie à une fuite en skate, il n'y a qu'un pied, eux pardon, qu'un pas vers l'objet singulier.
Pour autant, si il faut reconnaître à la réalisatrice un véritable sens de l'image et un talent dans la mise en scène qui exploite à merveille les silences et les pensées de ses personnages, il m'a manqué quelque chose pour véritablement tenir bon à travers ces multiples traversées du désert. L'intrigue, une histoire d'amour naissante ne suffit pas à nous accrocher. Dommage car associé au rythme contemplatif de l'ensemble, on flirte parfois avec le soporifique.
The Bad Batch est un drôle d'objet féroce et acide qui mérite d'être vu. Dommage que ce voyage mené en boitant et au rythme de véhicules improbables (scooters vintage, voiturettes de golf pimpées, caddie) assurément dépaysant, manque malheureusement d'enjeux.