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Une vision d'auteur, et non pas de producteur. Ça fait du bien !

Comment produire une nouvelle oeuvre sur Batman sans qu'elle ne sente le réchauffé ?


Comment faire renouer un personnage vieux de plus de 80 ans avec ses premières amours ?


Comment imposer sa propre vision de réalisateur dans une production à gros budget ?


Voici la réponse de Matt Reeves à ces questions : The Batman.



Iconique



Batman est un des plus vieux super-héros de notre culture populaire, pourtant il continue de fasciner toutes les générations.



Orphelin suite au meurtre de ses parents, Bruce Wayne décide de dédier sa vie et sa fortune à débarrasser les rues de Gotham des criminels qui la rongent sous le masque de Batman.



Matt Reeves part du postulat que tout le monde connaît cette histoire, ce qui lui permet de rentrer dans le vif du sujet sans s'attarder sur des détails qui alourdissent sa narration. Il ne nous montre pas le meurtre du couple, l'enfance de Bruce, son entrainement, l'aménagement de la Batcave, ses premiers pas en tant que vigilante, ... Nous n'avons pas un regard de spectateur omniscient, nous prenons l'histoire en cours de route alors que l'homme chauve-souris fait régner sa justice, ou plutôt sa vengeance, depuis presque deux ans. Tout est fait pour que nous ressentions le poids du symbole que représente ce justicier masqué : il inspire la peur chez ceux qu'il poursuit, et l'espoir chez ceux qu'il défend. Tout en étant particulier badass bien sûr, en témoignent les plans magistraux de ses apparitions : lorsqu'il sort de l'ombre accompagné du bruit lourd de ses pas, lorsqu'il sort de sa Batmobile alors que tout le décor est en proie aux flammes, lorsqu'il sort violemment de la fumée pour distribuer des pains, lorsqu'il remonte une tour remplie de policiers à ses trousses avec son grappin, etc.
La symbolique est un des éléments majeurs du film, Batman étant lui-même un symbole fort : pour preuve l'effet que produit le Bat-signal sur la population de Gotham ainsi que le monologue de Bruce à son sujet.



Une enquête policière, non pas un blockbuster d'action



On a eu tendance à l'oublier ces dernières années mais Batman est avant tout un des plus grands détectives du monde, ce n'est pas pour rien qu'il est apparu la première fois dans un numéro du bien nommé Detective Comics. Les nombreuses histoires du Caped Crusader s'inscrivent dans des styles parfois bien différents selon les auteurs et les inspirations : tantôt plus axées sur l'action ou sur l'enquête, sur la technologie ou sur la réflexion, Bref lorsqu'un auteur s'attaque au personnage de Batman, il doit faire un choix en définissant son angle, sa manière personnelle de le traiter.
Matt Reeves a fait le choix d'un retour au sources en nous proposant un véritable film policier voire même polar ou film noir, digne des délicieux arcs narratifs signés Paul Dini.



The Batman



Se déroulant durant sa deuxième année d'activité, nous suivons ici un Batman assez jeune et donc inexpérimenté, loin d'être infaillible, encore submergé par sa colère et son désir de vengeance : il se prend au moins autant de coups qu'il n'en donne, il tente un vol plané mais foire lamentablement son atterrissage, il se fait mener en bateau par le Riddler tout au long du film.
Toutefois une grande importance est accordée au développement du personnage. Il n'est plus le même à la fin du film qu'au début, toute cette aventure n'a pas servi à rien. Batman en ressort plus mature, plus apaisé aussi : celui qui arrivait d'un pas lourd pour se défouler dans les rues n'a plus la même raison d'agir, il finit par faire justice pour aider les habitants de la ville car il a pris conscience de sa responsabilité dans la Gotham d'aujourd'hui. Ce n'est d'ailleurs pas le seul à être en quête de vengeance, Catwoman et Riddler le sont aussi mais n'ont pas pris le même chemin que lui. Batman et ses opposants sont finalement les mêmes enfants délaissés dans le fond. Des enfants brisés et perdus, que ce soit Batman, Riddler, ou sa milice.
Comme influence principale, on peut clairement citer le classique de Frank Miller et David Mazzucchelli "Year One" (que je vous invite fortement à lire si ce n'est pas encore fait).



Gotham



Matt Reeves rend à la ville de Gotham ses lettres de noblesse en faisant d'elle un personnage à part entière. Ce n'est pas un film sur Bruce Wayne mais un film sur Batman. On a tendance à croire que Batman est Bruce Wayne avec un masque de chauve-souris. Et si c'était l'inverse..? Bruce Wayne est en fait Batman déguisé avec une apparence de citoyen ordinaire. Voici l'angle qu'a choisi le réalisateur pour produire son oeuvre, et qui donne à Gotham ce visage si particulier.
Puisque nous ne suivons pas Bruce Wayne dans les diners mondains de la haute société, nous avons rendez-vous avec Batman dans les bas-fonds de Gotham à la rencontre du gratin de la pègre. Pas de super-pouvoirs, pas de paillettes , pas de fioritures. Juste une Gotham sombre, dépravée, sale, crasseuse, oppressante. En atteste la photographie particulièrement maitrisée de ce long-métrage.



Une image vaut mille mots



Nous vous attendez pas à une reproduction ultra-réaliste d'une grande métropole américaine. Ici l'image est stylisée car l'image parle, souvent bien plus que les mots. Les choix concernant la photographie ne laissent pas de place au hasard.
Tout nous fait ressentir l'inconfort et l'oppression de parcourir ces ruelles sombres : la courte profondeur de champ, le champ de vision réduit et le peu de visibilité que cela soit à travers une vitre, les lentilles ou les jumelles.
Ensuite cette couleur rouge omniprésente est un symbole fort : la couleur du sang, de la force, de la révolte, de la colère, de la violence, des pulsions, de la passion. Et surtout de la vengeance, le thème principal du film. Malgré cela, nous ne voyons pas une seule goutte de sang. Car cela n'était pas nécessaire, la violence de l'oeuvre se situe ailleurs. Nous ne la voyons pas, nous la ressentons, nous l'entendons même, grâce au génialissime travail de sound design.
Enfin, un des éléments visuels les plus imposants est la nuit. Les rares scènes avec Bruce Wayne nous laissent entrevoir le soleil, qui sinon est absent de la quasi-totalité du film. Batman reste du début à la fin dans son élément, la nuit, propice aux affaires sordides et aux règlements de comptes. Quoique, pas tout à fait : Batman évolue dans la nuit tout au long du film sauf dans la dernière scène, alors que le soleil se lève sur Gotham telle une lueur d'espoir. Ce jeune Batman a donc encore de l'espoir, l'espoir de faire peser ses actes dans la balance, de changer le cours des évènements à Gotham, de changer sa nature et celle des habitants de la ville.
Mais... le peut-il vraiment ?

Créée

le 8 mars 2022

Critique lue 32 fois

mgt9303

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