The Dark Angel
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le 2 mars 2022
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A l’aune du succès stratosphérique de Joker et de la descente en spirale diamétralement opposée du DCEU, il paraissait logique que la Warner en vienne à miser sur le modèle qui faisait ses preuves avant que tout le monde se mette à singer le MCU : faire des films portés par une vision singulière, se tenant seuls, sans avoir eu besoin de se farcir les vingt précédents et les sept séries spin-offs. Et l’univers de Gotham City étant le plus populaire de l’écurie, au moins équivalent à Spider-Man chez la concurrence, il fallait creuser ce filon-ci. Entre Matt Reeves, qui avait fait ses preuves aux rênes des blockbusters Dawn et War for the Planet of the Apes, et semblait l’homme providentiel pour redonner du lustre au caped crusader.
On dit adieu à la testostérone de Snyder (ouf) pour nous livrer une version bien moins précieuse du héros. Si la trilogie de Nolan paraissait sombre à sa sortie, on pousse ici les potards encore plus loin et en ne se cachant pas de ses références Fincheriennes, Zodiac et Se7en étant ouvertement cités par Reeves dans les interviews comme point de référence. Mais pas que. Là du Blade Runner, dans cette Gotham qui n’est que nuits diluviennes aux néons blafards, là du The Warriors, avec ses gangs bariolés qui marquent leur territoire à coup de mandales, là des aspirations à la mafia alla Scorsese et aux comics de Miller ou Loeb. Une hybridation d’influence qui parvient à créer une idée propre à l'œuvre, car enrichie de trouvailles nouvelles pour le justicier masqué.
Reeves a fait le pari audacieux et payant de Pattinson dans le rôle-titre, dont les choix de carrière sont assurément les bons. Bruce Wayne est quasiment absent, pur masque et alter ego de Batman, la véritable identité de l’orphelin. Exit le playboy philanthrope donc, et place à un personnage névrosé qui n’a que faire des apparences. En témoigne son costume, utilitaire avant tout, sorte de déstockage militaire cousu-main garni de gadgets low-tech : un taser, un couteau, un wingsuit…L’apparition de la Batmobile dans un rugissement infernal, dont la terreur qu’elle est censée provoquer est palpable, nous présente un bolide fait main, sans afféteries ostentatoires. Un bélier chargeant à toute allure sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Et c’est en sens que se justifie le recul du spectaculaire par rapport aux super-productions habituelles (bien qu’il ne soit pas absent), laissant la part belle au surnom trop longtemps occulté du milliardaire : le plus grand détective du monde. Batman observe, filme, note, analyse, obsède. Il mène une enquête tout en se retrouvant plus souvent dans la réaction que l’action, suivant tant bien que mal les miettes de pain laissés par Riddler. Un Paul Dano fidèle à lui-même dans la douce folie de son jeu, qui se pose en pendant plus radical du chevalier noir, ce vers quoi ce dernier irait s’il ne s’était pas imposé des gardes-fous. Une idéologie commune, celle de remonter la piste de la corruption jusqu’à son foyer dans une paranoïa grimpante qui contamine la mégalopole grouillante, où la colère gronde et génère une montée en puissance des extrémistes, pas sans rappeler les événements du Capitole. Mais c’est dans la remise en question de ses actions que Batman se différencie, réalisant l’écart entre vigilante et super-héros.
Il faut tout de même reconnaître certaines maladresses, comme les personnages de Catwoman et Alfred quelque peu délaissés, l’occasion manquée d’exploiter davantage l’héritage familial et d’aller plus profond dans la noirceur visée, ou certains dialogues peu captivants. Mais l’écrin dans lequel nous est racontée ce thriller vient effacer les doutes. Gotham est sublime de déliquescence, sorte de New-York 70s, pré-ménage de Giuliani. Les jeux d’ombres et de lumière magnifient les séquences, et les idées de mise en scène pullulent, tandis que la musique lancinante de Giacchino s'affranchit enfin du fameux thème de Elfman.
Reeves n’a pas la subtilité et la maniaquerie de Fincher, ni le sens du spectaculaire de Nolan, mais il est un bâtisseur de mondes qui ne demandent qu’à être parcourus. Un cinéaste qui emprunte sans cesse aux œuvres qui le précède, qui les digère, et parvient à proposer des univers dans lesquels le spectateur peut aisément s’immerger grâce à un travail atmosphérique d’orfèvre, gommant les gaucheries et écueils rencontrés sur le chemin. J’adhère.
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Créée
le 26 sept. 2024
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