Anti Joker

J’attendais beaucoup ce film Batman, j’étais très hypé notamment pour la présence de Robert Pattinson et Paul Dano, deux acteurs que j’apprécie beaucoup. Le film a été une immense déception.

Pourtant, le film commence très bien, les 10-15 premières minutes sont remplies de très belles images et on est plongé directement dans l’ambiance sombre et violente de Gotham. A ce moment-là, je me suis dit qu’on avait peut-être enfin droit à un film de super héros qui sort des codes habituels et du lissage des autres films du genre. Je pensais que le film allait prendre la même tournure que le Joker, que la pression, la noirceur allaient monter tout le long du film et parfois devenir insoutenables mais ça n'a pas du tout été le cas. Je n’ai même jamais été sous pression durant ce film. La vraie violence (pas juste Batman qui met des patates à des figurants) est systémiquement hors champ, sous-entendue, floutée, on ne l’aperçoit jamais frontalement. Hormis la violence physique, on ne ressent jamais aucune violence psychologique ou sociale, ou alors elle sont montrées très maladroitement et pleine de clichés (Robert Pattinson en eboy emo dépressif ; Paul Dano censé représenté les revendications populaires montré comme « fou »). Il y a très peu de sang, aucun gore, rien du tout. Comment ressentir la peur, le dégoût, la violence, le choc quand tout nous est caché ? Pourtant, l’ambiance générale du film veut nous faire croire à un Gotham ultra violent où le crime est présent à chaque coin de rue et où les pires atrocités se passent mais on ne nous le montre pas.

Le ressenti global de ce film est une lente et progressive descente. Alors qu’au début le film semble démarrer fortement et avec plein de bonnes idées, plus on avance moins on comprend et plus les images se ternissent : mention spéciale pour la séquence de fin où Batman et Catwoman font de la moto ensemble pour au final se séparer, sur le moment j’ai vraiment été sorti du film, on aurait plutôt dit deux types revenant d’une convention sur leur motos que les personnages du film.

On dirait que le fim a été lissé de toute part. En fait, tout ce qui a fait du Joker un film excellent a été enlevé de ce film Batman : pas de violence, pas d’ambiguïté idéologique, aucun suspense/stress/pression. Il faut également parler de la relation entre Batman et Catwoman qui est nulle à chier. Leur histoire d’amour n’a aucun sens, ils se parlement maximum 3 fois, aucun des deux ne connait quoi que ce soit sur l’autre et ils n’ont absolument rien vécu ensemble mais par miracle une histoire sortie de nulle part arrive entre eux. Comme si les producteurs avaient forcé parce que Zoé Kravitz et Robert Pattinson ensemble c’est trop stylé ça va ramener du monde.

Mais l’énorme soucis avec ce film vient de son écriture, de la réflexion qu’il amène, de sa théorie. Riddler tue les hauts placés corrompus par la pègre. Dans une société où aucun changement ne s’effectue depuis 20 ans et où littéralement la moitié de la ville est plongée dans de sales affaires il est légitime de se dire ou au moins de se demander est-ce qu’au final ces meurtres n’apparaissent pas légitimes voire même nécessaires ? Et c’est là le problème du film. Le film prend les gens pour des débiles mentaux et ça se voit. D’un côté, on nous donne quelques petits éléments « woke » sur le mâle blanc privilégié, les inégalités, la nouvelle maire qui incarne l’espoir qui est noire etc… mais ces éléments sont lâchées comme ça et n’apportent absolument rien puisque pas développés. Et de l’autre, on a la vision bien viriliste américaine du héros blanc milliardaire qui utilise ses muscles pour vaincre. Malgré ces deux visions, on n’a jamais de confrontation idéologique, elles sont juste posées là comme ça pour que le spectateur puisse prendre ce qui lui plaît pour qu’un maximum de personnes se retrouvent dans le film. Au-delà d’une petite phrase lancée par Zoé Kravitz, les actions de Batman ne sont JAMAIS remises en question. Pas un seul moment n’est posée la question de sa légitimité. On voit littéralement un type, non habilité pour ça, qui frappe des pauvres qui ont des revendications plus que logiques et jamais le film nous interroge sur cette question. Le film aurait pu jouer sur une telle ambiguïté, Batman aurait du se poser des questions « au final est-ce qu’ils n’ont pas raison ? Tout le monde est corrompu, est-ce que je dois vraiment les combattre ou devrais-je les rejoindre ? » mais à 0 moment il n’a une telle réflexion et ça parait SURREALISTE ou alors Bruce Wayne est un attardé.

Et là où le message est catastrophique c’est que Paul Dano, qui a été super convaincant et qui mène, en tant que grand méchant du film, les revendications du petit peuple abandonné par les institutions et les élites, est finalement rangé dans la case de « fou » puisqu’on le voit crier dans une scène assez terrible, enfermé à Arkham. Ne serait-ce pas là une manière de complètement décrédibiliser ses convictions en le faisant passer pour fou ? On a donc un bourgeois milliardaire qui pète la gueule de gens qui ont 3 fois son âge et qui ont vécu dans la misère toute leur vie à cause de la corruption des élites mais vouloir changer les choses par la violence serait être un déséquilibré mental ou un incel extrémiste se cachant derrière une communauté rencontrée sur internet ? Ca me parait quand même bien trop gros et bien trop simpliste mais en même temps est-ce qu’on peut vraiment attendre autre chose d’un film américain qui a pour seul objectif de faire un maximum d’entrées ?

Finalement est-ce que Batman n’est pas le Bennalla du Gotham où Macron serait le maire et Riddler le leader des gilets jaunes ?

Néanmoins, j’ai tout de même passé un agréable moment et je n’ai pas vu les 3 heures passer.