The Dark Angel
Tim Burton avec Michael Keaton, Christopher Nolan avec Christian Bale, Zack Snyder avec Ben Affleck. Batman est un des super-héros qui cumule le plus de nouvelles adaptations jonglant entre des...
Par
le 2 mars 2022
203 j'aime
31
Lorsque j'ai découvert The Batman de Matt Reeves, j'étais immédiatement frappé par l'esthétique du film. Il est indéniable que sur le plan visuel, ce long-métrage se démarque par sa maîtrise des ombres, des couleurs et des cadrages. Chaque scène semble avoir été conçue comme un tableau, minutieusement pensé pour créer une atmosphère sombre, oppressante, presque suffocante. Gotham n’a jamais été aussi lugubre, aussi poisseuse, une ville qui semble constamment sous une pluie battante, reflétant parfaitement l’état d’esprit de son protecteur. La photographie, signée Greig Fraser, est impeccable, jouant avec la lumière et la pénombre pour donner à ce Batman un aspect visuel unique et immersif. Sur ce point, difficile de ne pas reconnaître l’ambition artistique de Reeves et de son équipe.
Mais si la forme m’a séduit, le fond, lui, m’a laissé sur ma faim. Dès les premières énigmes laissées par le Riddler, j’ai senti une certaine dissonance entre l’intelligence supposée du film et la simplicité de ses ressorts narratifs. Les énigmes, censées être le cœur de l'intrigue, manquent de profondeur et de complexité. Elles sont résolues trop rapidement, parfois presque de façon triviale, laissant peu de place à la tension ou à la réflexion. On est loin de la subtilité d’un thriller psychologique où le spectateur serait invité à démêler les fils avec Batman. Ici, tout semble servi sur un plateau, ce qui, paradoxalement, finit par banaliser la menace du Riddler, un personnage qui, sur le papier, aurait pu être fascinant mais qui, à l’écran, devient presque un gadget narratif.
Le film semble osciller entre plusieurs identités sans jamais vraiment en choisir une. Reeves voulait visiblement s’éloigner des super-héros classiques pour offrir une version plus réaliste, plus terre-à-terre de Batman. Pourtant, cette tentative de plonger dans un univers noir et cérébral se heurte à des clichés du genre, notamment dans son climax. Alors que le film aurait pu se terminer sur une note plus subtile et introspective, il succombe à une explosion de grandiloquence héroïque. Les scènes d’action, bien qu’impressionnantes, s'étirent au point de perdre de leur impact. Le climax, qui aurait pu conclure l’intrigue de manière concise et satisfaisante, s’étend interminablement, multipliant les scènes où Batman devient l’incarnation quasi messianique de la rédemption de Gotham. Ce traitement trop héroïque tranche avec l’atmosphère sombre et torturée que le film avait construite jusque-là. On a l'impression que Reeves, après s'être efforcé de proposer quelque chose de nouveau, finit par retomber dans les travers hollywoodiens attendus.
Côté personnages, Robert Pattinson, dans le rôle de Bruce Wayne, propose une version plus introspective, presque recluse du personnage. On sent que Reeves voulait se concentrer sur le traumatisme et la solitude du héros, et en cela, Pattinson réussit à créer un Batman torturé, hanté par ses démons. Mais si son interprétation m’a plu, j’ai trouvé le personnage de Wayne un peu trop unidimensionnel, manquant de l'équilibre fragile entre l’homme public et le justicier masqué. On a un Bruce Wayne constamment sombre, replié sur lui-même, sans les nuances qui permettent habituellement au personnage d’évoluer au fil du récit.
Un des moments les plus déroutants, voire ridicules, est l’énigme autour de "El Rata Alada". Comment une énigme censée démontrer le génie criminel du Riddler peut-elle reposer sur une traduction approximative en espagnol ? Ce mélange maladroit des langues, où même Batman, supposé être l'un des plus grands détectives du monde, échoue à déduire le sens correct, est franchement embarrassant. Le fait que ce soit finalement le Pingouin, un criminel de bas étage, qui corrige Batman et Gordon sur leur mauvaise interprétation linguistique, rend la scène encore plus bancale. Non seulement cela décrédibilise le personnage de Batman en tant que détective, mais cela donne à cette énigme un caractère fourre-tout et alambiqué, où le suspense s’effondre sous le poids de sa propre incohérence. Ce qui aurait dû être une étape cruciale dans l'intrigue se transforme en une farce involontaire, minant l'intelligence supposée du récit.
En fin de compte, The Batman est un film magnifique, une prouesse visuelle incontestable, mais qui manque de profondeur dans son écriture. Les énigmes simplistes et le climax trop étiré dévaluent une intrigue qui, avec plus de subtilité et de concision, aurait pu être bien plus percutante. Le film semble vouloir dire beaucoup sans réellement aller au fond des choses, laissant une impression de vide derrière sa beauté visuelle.
Créée
le 24 sept. 2024
Modifiée
le 24 sept. 2024
Critique lue 9 fois
1 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur The Batman
Tim Burton avec Michael Keaton, Christopher Nolan avec Christian Bale, Zack Snyder avec Ben Affleck. Batman est un des super-héros qui cumule le plus de nouvelles adaptations jonglant entre des...
Par
le 2 mars 2022
203 j'aime
31
Sur les cendres de l'univers partagé DC et l'abandon du film Batman de Ben Affleck surgit une nouvelle adaptation, un nouveau Batman, avec cette fois Robert Pattinson dans le rôle titre, le tout...
Par
le 2 mars 2022
187 j'aime
55
L’Histoire, on le sait, s’accélère : alors que le filon des super-héros semble intarissable, l’éternel retour des grandes figures génère un enchaînement de versions, recyclages et reboots qui...
le 6 mars 2022
179 j'aime
10
Du même critique
Des décors somptueux, des lumières et des rendus incroyables, largement dignes des plus grands films d'animation, s'écroulent à cause d'une réalisation bâclée, un scénario trop léger, des gags vus et...
Par
le 9 juin 2017
1 j'aime
Dan Gilroy nous offre un film dans la lignée de Drive. Soit, un personnage principal insondable, qui jusqu'à la fin va nous pousser à tenter de percer sa psychologie ; un scénario qui avance sans que...
Par
le 4 mars 2015
1 j'aime
J'avais vu ce film il y a plusieurs années, adolescent. J'ai toujours beaucoup aimé Star Trek pour son fonctionnement aux antipodes de la science-fiction "classique" : peu ou pas d'action, beaucoup...
Par
le 2 févr. 2016