Les vingt premières minutes de « The Beach Bum » sont fascinantes et magistrales. En peu de temps, Harmony Korine parvient à croquer avec maestria le portrait d’un marginal comme on en rarement vu au cinéma. Un poète épicurien qui vit au jour le jour dans les Keys aux crochets financiers de sa femme entre sauteries, débauche et défonces avec des autochtones tout aussi détraqués que lui. Et on nous présente à ses côtés et à un rythme effréné une sacrée galerie de personnages haut en couleurs pour notre plus grand plaisir. C’est osé, impertinent et complètement jouissif. Mais c’est aussi coloré, vivant, drôle, joyeux et surtout filmé avec un amour sans bornes. On a le droit à une accumulation de séquences complètement barrées, de dialogues hors du commun et ça fourmille d’idées iconoclastes et de détails dingues. « The Beach Bum » démarre donc sur les chapeaux de roue et promet une œuvre complètement folle et hors du commun.
Cependant, si le film est dans l’ensemble réussi dans ce qu’il a à proposer, cette folle amorce devient ensuite plus routinière (pour ne pas dire classique) et moins excitante sur certains moments. La faute à un scénario, il faut le dire, très léger et qui avance à vue. C’est une tranche de vie d’un homme pas comme les autres qu’on appréhende au gré de ses rencontres. Et c’est tout. Et la disparition de l’un des personnages principaux en milieu de film ralentit la cadence infernale et la folie du film qui a un peu de mal à s’en relever. Comme une gueule de bois de lendemain de fête. En témoignent les passages moins réussis ou dispensables avec certains personnages en milieu de bobine (celui avec Zac Efron qui vient faire un show juste convainquant) voire poussifs (celui avec Martin Lawrence). Des moments qui ralentissent légèrement le rythme général et le détournent de l’excellence promise au début. Mais l’émotion discrète et le joyeux bordel final vont extraire « The Beach Bum » de cette légère torpeur dans laquelle il commençait à s’enliser. On ne peut s’empêcher de se dire que ça aurait pu aller encore plus loin mais le cinéaste, sans forcément se brider, a fait le choix d’être plus poétique et sage.
Avec ce film, Korine livre donc son œuvre la plus consensuelle et accessible et certainement aussi la plus apaisée. Mais également et sans conteste sa meilleure et la plus aboutie, loin des excès visuels et narratifs de « Spring Breakers » ou de la folie non contenue et du misérabilisme crasse de ses débuts. Et il filme Miami et les Keys comme personne rarement ils l’ont été, sous un angle plus marginal que ce qu’on a l’habitude de voir forcément, un angle qui les magnifie. Avec admiration et bienveillance, il fait de même avec Moondog son personnage principal qui devrait rentrer au panthéon des prestations mémorables et dingues de Matthew McConaughey (qui en compte déjà beaucoup dans sa filmographie). L’acteur y est une fois encore extraordinaire, il ne joue pas, il est son personnage en ne tombant jamais dans le ridicule ou l’exagération. Son Moondog, on l’aime, il nous faire rire, nous émeut. Une sacrée composition et un véritable show d’acteur. Le cinéaste, fidèle à son habitude, nous assène une critique de la vie occidentale et du capitalisme par le biais en faisant de son long-métrage une ode passionnée à l’hédonisme, à un mode de vie différent et aux originaux de tous bords. « The Beach Bum » est donc un film gentiment et joliment déglingué qui s’avère profondément attachant à la fois. Une œuvre pleine de folie et de fraîcheur qui met le sourire aux lèvres et donne envie de profiter de la vie et de sortir des normes établies !
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